Qu’est-ce que la typographie ?

Savant mélange technique et artistique, la typographie est tout d’abord liée à l’imprimerie et aux différents procédés d’impression. Tiré du grec ancien tupos, qui signifie « marque » ou « empreinte », ce mot désigne également la police, les caractères, le lettrage ou la disposition des images et du texte sur une page.

Technique d’impression ou disposition esthétique, la typographie est désormais érigée au rang d’art graphique par les publicitaires et autres professionnels de la communication.

Typographie : définition

Si le mot typographie était, à l’origine, employé pour désigner l’impression typographique, « le procédé grâce auquel des caractères sont reproduits », la définition s’est transformée par métonymie.

Le sens d’autrefois s’est, en effet, élargi pour donner au mot une définition qui reflète une réalité plus moderne. Aujourd’hui, la typographie fait référence de manière plus générale au dessin des caractères (police d’écriture) ou à la disposition des différents éléments (caractères, paragraphes et images) d’un support visuel (affiche, site web, etc.).

S’il semble anachronique de considérer la calligraphie ou l’enluminure comme une forme de typographie, la dimension artistique de ces deux techniques en fait pourtant les premiers artifices typographiques manuscrits de l’histoire de l’édition occidentale.

La typographie ou l’art de faire bonne impression

La naissance de la typographie, comme technique d’impression, coïncide inévitablement avec l’invention de l’imprimerie. À l’époque, le seul moyen de reproduire un ouvrage était de le copier à la main.

En Europe, ce travail de copie est généralement confié à des hommes lettrés appelés moines copistes. Malgré l’ardeur de ces scribes, la tâche demeure lente et fastidieuse. Devant l’avancée rapide des connaissances, grâce notamment aux grands navigateurs de l’époque, l’accélération de ce processus de copie devient nécessaire.

Ainsi, en Europe, un certain Johannes Gutenberg met au point une machine permettant d’aligner des caractères amovibles et interchangeables au besoin, pour créer des mots, des phrases et des paragraphes. Ces caractères, faits de plomb et d’un alliage de métal, viennent frapper la feuille de papier pour y laisser leur empreinte.

Mais, contrairement à la croyance populaire, Gutenberg n’est pas l’inventeur de l’imprimerie. Les Chinois, dès le VIe siècle, et les Coréens au XIIIe siècle, ont développé cette technique bien avant l’ingénieur allemand.

L’origine de l’encre (de Chine), du papier et des caractères en terre cuite, éléments essentiels du procédé d’impression, atteste de cette primeur asiatique. Toutefois, Gutenberg a nettement participé à la démocratisation de l’imprimerie en Europe et surtout à l’utilisation des caractères amovibles latins.

La calligraphie ou l’art typographique manuscrit
La calligraphie est un art graphique, celui de « bien écrire », dans un but esthétique. Dans de nombreuses cultures, cette typographie manuscrite est une expertise qui s’enseigne en parallèle du dessin ou de la peinture dans des écoles à vocation artistique.

L’écriture cursive, celle en « lettres attachées ou moulées » apprise à l’école, ne peut être qualifiée de typographie manuscrite. Cette écriture s’apparente certes au dessin et nécessite quelques années de pratique, mais la plupart des élèves finissent par en maitriser le geste.

En revanche, la calligraphie est considérée comme art typographique dans les langues utilisant des signes pour représenter des idées. C’est le cas du japonais, où chaque trait d’un idéogramme doit être dessiné dans un ordre précis.

Le pinceau étant gorgé d’encre pour les premiers traits, il est primordial de commencer par les tracés les plus longs, puis de finir par les plus courts lorsque l’encre s’amenuise. La pression exercée sur le pinceau ou la quantité d’encre nécessaire à chaque trait sont des considérations techniques et esthétiques qui requièrent une formation classique dans une école d’art pictural.

Tous les scripteurs d’idéogrammes ne maitrisent pas forcément l’art de la calligraphie. Cette différence entre le caractère dessiné dans le but d’écrire et le trait tracé par les calligraphes fait de la calligraphie un type de typographie manuscrite, qui relève de l’art plutôt que de l’écriture.

La typographie « moderne »

À la fin du XIXe siècle, l’instruction se généralise et le nombre de lecteurs augmente. Le processus d’impression, jusque-là manuel, s’automatise et le rendement des presses mécaniques s’intensifie. Toutes les grandes puissances européennes impriment des publications, des plus sérieuses aux plus frivoles, destinées à tous les publics.

L’invention de l’offset, à la fin du XXe siècle, pousse la typographie comme technique d’impression aux confins de notre vocabulaire. Ce procédé, inspiré de la lithographie et de ses encres grasses, permet d’imprimer de plus grands volumes à moindre coût et sur tous types de supports (papier, carton, étiquette, polymère, etc.).

À l’ère du papier succède, au début du XXIe siècle, l’ère du numérique. Les caractères d’imprimerie sont invariablement présents, mais le support a fondamentalement changé. La typographie retrouve le devant de la scène au sein d’une toute nouvelle discipline : l’infographie.

Désormais, l’infographiste, ou simplement graphiste, se charge de créer des caractères typographiques simples au profit de la lisibilité ou, au contraire, originaux, pour mettre en valeur une certaine image de marque, et ainsi créer un message dans le message.

Petite histoire de la typographie gothique
Au premier rang des polices les plus facilement identifiables figure l’écriture gothique. Son utilisation moderne n’est pas anecdotique tant elle porte en elle des siècles d’histoire. Une histoire étroitement liée, tout d’abord, aux outils d’écriture.

L’utilisation de la plume d’oie au VIIe siècle permet un tracé carré, plus anguleux que la forme habituellement arrondie des lettres. La nécessité de faire correspondre la production littéraire à l’avancée rapide des connaissances accélère le processus d’écriture : les lettres sont désormais attachées.

Cette nouvelle esthétique d’écriture aboutit à une police propre aux langues germaniques : le Schwabacher. Au milieu du XVIe siècle, la démocratisation de l’imprimerie en Allemagne nécessite la création d’une police, destinée non plus à être écrite, mais imprimée.

Le Fraktur, adaptation du Schwabacher, prend la relève et devient le caractère d’imprimerie de tous les pays de langues germaniques. Symbole de leur identité, le Fraktur, ou écriture brisée, évoque l’arc, pièce maitresse de l’architecture gothique.

Dans l’entre deux guerres, période sociopolitique instable en Allemagne, Paul Renner, alors typographe, veut rompre avec cette tradition gothique, qu’il estime désuète et à l’opposée de ses idées progressistes. Il invente une police qu’il veut, à l’image de ses idéaux, moderne et minimaliste : le Futura.

Cette police typographique rencontre un franc succès, mais Adolf Hitler, dont le Mein Kampf est imprimé en Fraktur, voit, dans cette volonté d’émancipation graphique, une opposition politique. Symbole de l’identité allemande, le Fraktur n’est plus une simple typographie, elle devient le véhicule de la propagande nazie.

Renner, dont les idées de progrès et de modernisme sont considérées antipatriotiques, est alors emprisonné, mais il reçoit le soutien des mouvements antinazis. Le contexte sociopolitique de l’époque transforme sa police typographique en véritable acte de résistance.

Les soutiens internationaux ne tardent pas à se manifester. Plusieurs graphistes européens et américains, opposants du régime nazi, utilisent le Futura, dont le style épuré délaisse les vieilles traditions et incarne le renouveau. Cette typographie, moderne dans le ton et la forme, devient la police d’écriture la plus employée aux États-Unis.

Aujourd’hui encore, le Futura est considéré comme l’une des meilleures polices d’écriture jamais dessinée. De Netflix à Nike, en passant par Vogue, Louis Vitton ou Ikea, tous se sont inspirés du travail typographique de Paul Renner, simple typographe allemand qui osa s’opposer au modèle typographique et social dominant.

Le caractère typographique

Si le clavier d’ordinateur ne ressemble plus tout à fait aux presses mécaniques d’autrefois, il n’en reste pas moins que ces deux objets partagent invariablement un point commun : le caractère.

Bien qu’on l’associe souvent à la lettre, le caractère peut prendre toutes sortes de formes. Il peut être idéogramme, « un signe qui représente une idée », notamment dans les langues asiatiques, où les idées sont exprimées par des symboles et non des suites de lettres.

Le caractère typographique prend aussi la forme d’un signe en français lorsqu’il s’agit de ponctuation. Il indique également l’absence de signe : l’espace, fine ou insécable, est un caractère qui signale l’intervalle laissé entre deux mots, ou entre un mot et un signe de ponctuation.

Depuis l’avènement du numérique, le milieu de la communication a dépoussiéré la notion de typographie pour la transformer en outil créatif. Certaines marques ont développé leur propre police de caractère, qui véhicule à elle seule l’image de l’entreprise.

La typographie moderne n’utilise plus uniquement le caractère pour ce qu’il est. Elle va au-delà du signe pour en atteindre l’aspect symbolique. Si le choix du type de typographie est toujours régi par la lisibilité et la compréhension du caractère, sa dimension symbolique assure l’identité graphique d’une marque, un argument commercial essentiel.

Typographie : exemple
La définition moderne du mot typographie recouvre tous types d’écritures, impliquant la présence de caractères. Véritable travail de création, la conception d’une typographie originale repose sur le talent et l’imagination des graphistes.

De la typographie « art nouveau », grasse et souple, à celle des « années 80 », aux lettres surdimensionnées et saturées de couleurs fluo, en passant par la typographie « art déco », toutes les références culturelles et artistiques deviennent des sources d’inspiration.

Certains sites proposent même des typographies en ligne, gratuites et téléchargeables, et un panel d’outils créatifs qui permettent de créer une police d’écriture singulière, garante d’une signature graphique personnalisée, au potentiel commercial indiscutable.

Vocabulaire de la typographie

D’art manuscrit à création numérique, la typographie a traversé les siècles. Certains mots et usages reflètent ce passé porteur de sens et d’histoire. Voici les principaux termes du jargon typographique :

Caractère

Le caractère est une pièce, autrefois en terre cuite ou en bois, plus généralement en métal, dont l’empreinte sur le papier laisse un signe imprimé. Autrefois, les caractères en plomb pouvaient être refondus lorsque les besoins typographiques (taille, épaisseur, style, etc.) l’exigeaient.

Empattement

L’empattement est un trait horizontal placé au-dessus ou au-dessous d’une lettre. Les polices serif ou sans serif sont des polices avec ou sans empattement, dont la perception renvoie à des notions de modernité, de sobriété, de tradition ou d’élégance.

Lettrage

Le lettrage correspond à la disposition des lettres sur la page, et de manière plus générale à l’ensemble des lettres d’un support visuel (site web, affiche, etc.)

Gras

Le gras est un trait épaissi. Par analogie avec le corps humain, une lettre possédant un jambage, « le trait vertical qui la compose », fin est appelé un caractère maigre. En ajoutant de la graisse au corps de la lettre, on obtient un caractère gras, dont le trait est épaissi.

Italique

L’italique est une inclinaison vers la droite des caractères manuscrits ou tapuscrits, « tapés à l’aide d’un clavier ». Inventé par un typographe vénitien, l’italique visait à augmenter la lisibilité de l’écriture tout en réduisant la taille des volumes. Cette écriture penchée, dont le nom fait référence à la nationalité de son inventeur, est utilisée depuis 1499.

Face

La face est l’aspect du caractère typographique (gras, italique, maigre, etc.).

Police

La police est l’ensemble des attributs esthétiques des caractères (épaisseur, taille, style, couleurs, etc.). Le mot fonte, synonyme de police, fait référence au caractère en plomb fondu dans une taille, une épaisseur et une face particulière. Par métonymie, la police de caractère est souvent appelée typographie, alors qu’elle n’en est que l’outil, l’artifice typographique.

Règles typographiques

Les règles typographiques sont un ensemble de règles et de principes d’écriture qui ont cours au sein d’une institution produisant des textes écrits. Une maison d’édition qui publie des livres, un organisme international qui produit des rapports en plusieurs langues, ou encore une université qui publie des travaux de recherches définissent, dans un guide de style, des usages écrits qui lui sont propres. Si ces pratiques sont différentes d’une institution à l’autre, elles le sont également pour chaque pays francophone.

Questions fréquentes sur la typographie

Est-ce que l’enluminure est une forme de typographie ancienne ?

À l’instar de la calligraphie, l’enluminure est un type de typographie manuscrite très ancienne. Une enluminure est une décoration exécutée à la main qui recouvre généralement les couvertures de livres ou orne les lettrines, « les premières lettres de chapitres ou de paragraphes ».

Les premières enluminures sont apparues sur des papyrus et des parchemins, puis se sont imposées sur les pages de couverture des premiers manuscrits. En occident, cet art typographique manuscrit a progressivement été abandonné en raison de l’apparition de l’imprimerie, au milieu du XVe siècle.

Qu’est-ce que la « typographie cursive » ?

Une typographie dite cursive est une typographie créée dans le but de reproduire l’écriture manuscrite, et notamment celle en lettres attachées. Elle permet de s’éloigner des caractères d’imprimerie et de donner une certaine identité, un aspect résolument plus « humain », à un texte.

Qu’est-ce que la « typographie ronde » ?

Une typographie dite ronde, ou arrondie, est une forme de caractère appréciée pour sa lisibilité. Sous ses airs ludiques et distrayants, elle témoigne aussi d’une certaine élégance, gage de respectabilité. Très utilisée en communication, cette typographie véhicule une image de marque conviviale et sympathique, qui établit une certaine proximité, une complicité avec ses clients.

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Aude Charrin, MA

Traductrice et linguiste de formation, Aude a également enseigné le français à des jeunes en difficulté scolaire. Sa nouvelle mission : démocratiser la langue française en vulgarisant ses concepts.