Malgré les obstacles techniques et linguistiques, le haïku japonais a bel et bien investi le champ littéraire francophone. En France, depuis les années 1910, de nombreux poètes se sont essayés à cet art poétique.
Paul Éluard, Guillaume Apollinaire ou encore Paul Claudel, mais également des auteurs anonymes, en ont repris les codes ou se sont, au contraire, affranchis de ses règles. Les thématiques abordées, reflets du monde occidental, s’émancipent de la contemplation mélancolique de la nature pour jeter une tout autre lumière sur des sujets obscurs.
L’anthologie, En pleine figure, de Dominique Chipot, rassemble plus d’une centaine de haïkus français rédigés dans les tranchées de la Première Guerre mondiale. Dans ces textes puissants, le désespoir des soldats remplace la rêverie mélancolique, et à la nature se soustrait l’apocalypse.
Chacun évoque un bruit d’enfer, une odeur de boue et un goût de sang. Si l’univers de la guerre rompt formellement avec l’élégance nippone, la forme originale du poème est, elle, respectée. À une époque où l’encre et le papier se font rares et la censure fait rage, la correspondance brève et métaphorique du haïku prend une nouvelle dimension.