Le sonnet (poésie) | Définition & exemples

Le sonnet est un poème composé de quatorze vers, répartis en deux quatrains et deux tercets. Extrêmement codifié, ce format de poème a toutefois vu ses contraintes évoluer au fil des siècles.

Sonnet : exemple
« Sonnets pour Hélène de Surgères »

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise aupres du feu, devidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
Ronsard me celebroit du temps que j’estois belle.

Lors, vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Desja sous le labeur à demy sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s’aille resveillant,
Benissant vostre nom de louange immortelle.

Je seray sous la terre et fantaume sans os :
Par les ombres myrteux je prendray mon repos :
Vous serez au fouyer une vieille accroupie,

Regrettant mon amour et vostre fier desdain.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’huy les roses de la vie.

Pierre de Ronsard, Second Livre des Amours, 1578

Qu’il soit italien d’origine, français de rimes ou élisabéthain de structure, le sonnet n’a pas son pareil pour parler d’amour. Toutes les cours d’Europe se sont laissé séduire par cet incontournable de la poésie romantique.

Qu’est-ce qu’un sonnet ?

Le sonnet, d’origine italienne, est un poème à forme fixe. Issu du latin sonus, « son » en français, puis emprunté à l’italien sonetto signifiant « petite chanson », le sonnet, à ses débuts, se destine à être chanté.

En 1536, Clément Marot, poète français, fait faire à cette forme musicale un voyage transalpin. Il écrit le premier sonnet de la poésie française à Lyon, haut lieu culturel et artistique de l’époque.

Sonnet : Définition en chiffres (et en quatre lettres)
  • 14 vers de 12 syllabes (alexandrins)
  • 2 quatrains
  • 2 tercets ou 1 sizain
  • 1 césure à l’hémistiche ou 2 césures pour former 3 sous-vers
  • 1 schéma de rime : ABBA ; ABBA ; CCD et EDE

La forme alors empruntée est la suivante : quatorze vers réunis en deux quatrains et deux tercets. Le quatrain, strophe de quatre vers, et le tercet, strophe de trois vers, sont alors composés de dix ou douze syllabes. Les deux premières strophes sont toujours des quatrains, mais les deux tercets peuvent parfois être rassemblés en sizain, une strophe de six vers.

Sous l’influence des poètes de l’École de Lyon, la longueur des vers et le format des rimes du sonnet se figent peu à peu. D’abord décasyllabe, le vers devient alexandrin, au milieu du XVIe siècle, sous la plume de Joachim du Bellay, notamment dans le recueil Les Regrets.

Sonnet d’amour
« Sonnet LXXIX »

Je n’écris point d’amour, n’étant point amoureux,
Je n’écris de beauté, n’ayant belle maîtresse,
Je n’écris de douceur, n’éprouvant que rudesse,
Je n’écris de plaisir, me trouvant douloureux :

Je n’écris de bonheur, me trouvant malheureux
Je n’écris de faveur, ne voyant ma princesse,
Je n’écris de trésors, n’ayant point de richesse,
Je n’écris de santé, me sentant langoureux :

Je n’écris de la cour, étant loin de mon prince,
Je n’écris de la France, en étrange province,
Je n’écris de l’honneur, n’en voyant point ici :

Je n’écris d’amitié, ne trouvant que feintise,
Je n’écris de vertu, n’en trouvant point aussi,
Je n’écris de savoir, entre les gens d’Église.

Joachim du Bellay, Les regrets, 1558

Si, à l’origine, les douze syllabes de l’alexandrin ne sont pas une condition requise dans la composition du sonnet, ce format en devient une des caractéristiques principales. Parallèlement à la longueur du vers, le schéma de rimes se stabilise.

Les rimes des deux quatrains sont alors croisées : le premier vers rime avec le dernier, tandis que les vers du milieu riment entre eux sur le modèle ABBA ABBA. Les deux tercets se suivent selon deux schémas de rimes possibles au second tercet.

Exemple de sonnet | rime ABBA et EED
« Comme on voit sur la branche »

Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose, (A)
En sa belle jeunesse, en sa première fleur, (B)
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur, (B)
Quand l’Aube de ses pleurs au point du jour l’arrose ; (A)

La grâce dans sa feuille, et l’amour se repose, (A)
Embaumant les jardins et les arbres d’odeur ; (B)
Mais battue, ou de pluie, ou d’excessive ardeur, (B)
Languissante elle meurt, feuille à feuille déclose. (A)

Ainsi en ta première et jeune nouveauté, (C)
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté, (C)
La Parque t’a tuée, et cendres tu reposes. (D)

Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs, (E)
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs, (E)
Afin que vif et mort, ton corps ne soit que roses. (D)

Pierre de Ronsard, Amours, 1552

Sur le modèle du sonnet italien, Clément Marot fait rimer les deux premiers vers des deux tercets entre eux, selon l’enchaînement CCD EED, aussi appelé disposition marotique. Toutefois, au XVIIe siècle, une disposition dite régulière s’impose : la rime du premier vers du second tercet n’est plus suivie, mais croisée, sur le modèle CCD EDE.

Le sonnet sur la forme

D’abord italien, puis français par sa disposition dite régulière, le sonnet s’impose dans les milieux artistiques européens. Dès lors, chaque pays emprunteur lui fait subir une nouvelle variation. En Espagne, dès le XVe siècle, Juan Boscán et Garcilaso de la Vega privilégient un nombre impair de syllabes et transforment les alexandrins en hendécasyllabes, des vers de onze syllabes.

En Angleterre, c’est le format du sonnet que l’on adapte. Il ne comporte plus deux, mais trois quatrains, dont les rimes croisées diffèrent d’ailleurs pour chaque quatrain, suivis d’un distique, une strophe de deux vers, à rimes plates ou suivies sur le modèle ABAB CDCD EFEF GG.

William Shakespeare adopte lui-même cette forme, qui prend alors le nom de sonnet shakespearien ou sonnet élisabéthain, en référence à la reine de l’époque, Élisabeth Iʳᵉ.

Shakespeare : sonnet
When, in disgrace with fortune and men’s eyes, (A)
I all alone beweep my outcast state, (B)
And trouble deaf heaven with my bootless cries (A)
And look upon myself, and curse my fate, (B)

Wishing me like to one more rich in hope, (C)
Featured like him, like him with friends possess’d (D)
Desiring this man’s art and that man’s scope, (C)
With what I most enjoy contented least; (D)

Yet in these thoughts myself almost despising, (E)
Haply I think on thee, and then my state, (F)
Like to the lark at break of day arising (E)
From sullen earth, sings hymns at heaven’s gate; (F)

For thy sweet love remember’d such wealth brings (G)
That then I scorn to change my state with kings (G)

William Shakespeare, Sonnets

Le sonnet élisabéthain a par ailleurs très largement inspiré les poètes symbolistes français, notamment Charles Baudelaire et Stéphane Mallarmé. L’originalité du format, considéré comme plus libre que le sonnet français, correspond à la volonté du symbolisme de produire une écriture non conventionnelle, loin de sa structure d’origine très normée.

Sonnet élisabéthain chez les poètes français
« La chevelure »

La chevelure vol d’une flamme à l’extrême
Occident de désirs pour la tout éployer
Se pose (je dirais mourir un diadème)
Vers le front couronné son ancien foyer

Mais sans or soupirer que cette vie nue
L’ignition du feu toujours intérieur
Originellement la seule continue
Dans le joyau de l’œil véridique ou rieur

Une nudité de héros tendre diffame
Celle qui ne mouvant bagues ni feux au doigt
Rien qu’à simplifier avec gloire la femme
Accomplit par son chef fulgurante l’exploit

De semer de rubis le doute qu’elle écorche
Ainsi qu’une joyeuse et tutélaire torche

Stéphane Mallarmé, Poésies, 1899

Constamment remanié, le sonnet est la forme de poème la plus codifiée, mais paradoxalement, la plus adaptée selon les pays et les époques. Que ce soit dans la construction des strophes ou l’agencement des rimes, chaque poète a vu dans ces quatorze vers un moyen de revendiquer son conservatisme ou, au contraire, son anticonformisme.

Malgré son évolution, le sonnet n’a jamais dérogé aux règles de sa composition textuelle. La richesse des rimes et du vocabulaire, la cohérence entre les strophes, la présence d’une chute au vers final sont autant de contraintes qui font du sonnet la forme la plus emblématique de la poésie française.

Définition : sonnet | Le sonnet classique selon Boileau
En 1674, dans son Art poétique, au chant II, Nicolas Boileau, premier théoricien de la poésie française, écrit :

On dit, à ce propos, qu’un jour ce dieu bizarre,
Voulant pousser à bout tous les rimeurs françois,
Inventa du Sonnet les rigoureuses lois ;
Voulut qu’en deux quatrains, de mesure pareille,
La rime, avec deux sons, frappât huit fois l’oreille ;
Et qu’ensuite six vers, artistement rangés,
Fussent en deux tercets par le sens partagés.
Surtout, de ce Poème il bannit la licence ;
Lui-même en mesura le nombre et la cadence ;
Défendit qu’un vers faible y pût jamais entrer,
Ni qu’un mot déjà mis osât s’y remontrer.
Du reste, il l’enrichit d’une beauté suprême
Un sonnet sans défaut vaut seul un long Poème.

Boileau définit ainsi, et en alexandrins, les règles de composition du sonnet dans la plus poétique des mises en abyme.

Des siècles plus tard, Charles Baudelaire reprend à la lettre les consignes de Boileau, dans « Sonnet d’automne » :

Ils me disent, tes yeux, clairs comme le cristal :
« Pour toi, bizarre amant, quel est donc mon mérite ? »
– Sois charmante et tais-toi ! Mon cœur, que tout irrite,
Excepté la candeur de l’antique animal,

Ne veut pas te montrer son secret infernal,
Berceuse dont la main aux longs sommeils m’invite,
Ni sa noire légende avec la flamme écrite.
Je hais la passion et l’esprit me fait mal !

Aimons-nous doucement. L’Amour dans sa guérite,
Ténébreux, embusqué, bande son arc fatal.
Je connais les engins de son vieil arsenal :

Crime, horreur et folie ! – Ô pâle marguerite !
Comme moi n’es-tu pas un soleil automnal,
Ô ma si blanche, ô ma si froide Marguerite ?

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1861

Se conformant à Boileau, Baudelaire ne fait usage que de deux sons de rimes, « -al » et « -ite », frappant huit fois l’oreille, qu’il agence en deux quatrains, de mesure pareille et en six vers, artistement rangés pour en faire deux tercets par le sens partagés.

Composé deux cents ans après le « quasi-sonnet » de Boileau, « Sonnet d’automne » reste, à ce jour, le plus conforme des sonnets, écrit par le plus anticonformiste des poètes.

Le sonnet sur le fond

En 1674, Boileau dicte non seulement la forme du sonnet, mais également le fond. Si la forme subit des transformations, la composition textuelle du sonnet, elle, n’a jamais enfreint les règles d’origine. Le sonnet lyrique, malgré les différentes adaptations de sa forme, reste le véhicule par excellence du sentiment amoureux.

En effet, le contenu exalté du sonnet correspond autant au lyrisme italien et à son expression enflammée de la passion amoureuse, qu’aux sentiments mélancoliques, voire tragiques, des romantiques français. De Ronsard à Verlaine, la stricte composition du sonnet a toujours parfaitement communiqué l’émotion, aussi funeste qu’intense, des différents courants littéraires.

Sonnet : structure
  • Alternance rimes féminines (finale en « e » muet) et masculines (toutes autres finales)
  • Richesse des rimes (répétition d’au moins trois sons différents)
  • Absence de répétition (à l’exception des pronoms, prépositions, et autres mots de liaison)
  • Présence d’hémistiche ou de césures (découpage propre à l’alexandrin)

L’impossibilité de répéter certains mots, notamment les noms communs, contraint les poètes à utiliser un vocabulaire riche, expressif, construit autour des champs lexicaux de l’amour, de la nature et des sentiments, thématiques propres au sonnet et récurrentes dans la tradition poétique.

L’utilisation de l’alexandrin, rythmé par son hémistiche et ses césures, impose au sonnet une musicalité singulière qui renvoie au caractère essentiellement musical du sonetto et à son origine italienne.

L’agencement des strophes, quatrains, tercets ou distique, est soumis à l’obligation d’une cohérence physique et linguistique. Les strophes doivent être indépendantes les unes des autres aussi bien sur la forme que sur le fond. Une même image ne peut se poursuivre sur deux strophes : la rupture physique entre les strophes fait office de rupture sémantique entre les idées exprimées.

Enfin, l’obligation d’une chute, en toute fin de poème, oblige les auteurs à développer une narration dont la fin est brusquement insérée au vers final. Plus la chute est inattendue, plus l’effet de surprise est intense ; l’image n’en est que plus saisissante.

Sonnet célèbre | L’art de la chute chez Rimbaud
La chute d’un sonnet magnifie les images créées par le poète et en sublime l’œuvre toute entière. Dans l’un des sonnets les plus connus de la poésie française, Arthur Rimbaud glace le lecteur d’effroi par une chute aussi macabre que le décor est bucolique.

« Le Dormeur du val »

C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Arthur Rimbaud, Poésies complètes, 1895

La structure du sonnet donne lieu à un étrange effet de miroir : les strophes paires, les quatrains, s’opposent aux strophes impaires, les tercets. Cette symétrie dans la forme permet sur le fond des contrastes et des parallélismes, à la fois rythmiques et syntaxiques, frappant de perfection.

L’alternance des rimes, croisées pour les quatrains élisabéthains, ou embrassées dans la plus pure tradition lyrique, transforme cette symétrie en harmonie musicale. Les strophes sont autant de partitions sur lesquelles les rimes deviennent des notes à la faveur de la mode française ou transalpine des tercets.

Extrêmement strict, étonnamment musical et étrangement populaire, le sonnet représente le genre poétique dans toute sa pureté et son excellence. D’un lyrisme exacerbé à un traditionalisme méprisé, le sonnet constitue depuis des siècles la clé de voûte de la poésie européenne.

Questions fréquentes sur le sonnet

Un sonnet, c’est quoi ?

Incontournable de la poésie française, le sonnet est un poème de 14 vers, répartis en 2 quatrains et 2 tercets.

Qu’est-ce qu’un sonnet français ?

Un sonnet français est un poème de quatorze vers, dont les rimes sont embrassées dans les deux premiers quatrains (ABBA ABBA), suivies dans le premier tercet (CCD), et enfin croisées dans le dernier tercet (EDE).

Qu’est-ce qu’un sonnet italien ?

Un sonnet italien est un poème de quatorze vers, dont les rimes sont embrassées dans les deux premiers quatrains (ABBA ABBA), et suivies pour les premiers vers des tercets (CCD EED). Les derniers vers des tercets riment entre eux.

Qu’est-ce qu’un sonnet anglais ?

Contrairement aux sonnets français et italien, le sonnet anglais est un poème de quatorze vers, rassemblés en trois quatrains et un distique, une strophe de deux vers. Les rimes des quatrains sont croisées (ABAB CDCD EFEF), puis suivies dans le distique (GG).

Comment s’appellent les strophes d’un sonnet ?

Les sonnets italiens et français rassemblent deux strophes de quatres vers, appelées quatrains, ainsi que deux strophes de trois vers, appelées tercets. Le sonnet anglais rassemble, lui, trois quatrains et une strophe de deux vers, appelée distique.

Quel est le plus beau sonnet en alexandrin sur l’amour ?

« Mon rêve familier », tiré du recueil Poèmes saturniens de Paul Verlaine, est l’un des plus beaux sonnets en alexandrins sur le thème de l’amour.

Quel est le plus beau sonnet sur la nature ?

« Correspondances », tiré du recueil Fleurs du mal de Charles Baudelaire, est l’un des plus beaux sonnets en alexandrins sur le thème de la nature.

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Aude Charrin, MA

Traductrice et linguiste de formation, Aude a également enseigné le français à des jeunes en difficulté scolaire. Sa nouvelle mission : démocratiser la langue française en vulgarisant ses concepts.