Vers (poésie) | Définition et exemples

Le vers dans une poésie correspond graphiquement à un assemblage particulier de mots. Régis par des règles strictes, ces mots dictent le rythme, la longueur et la sonorité du vers.

Ni tout à fait ligne ni complètement phrase, le vers de poésie commence par une majuscule, s’accommode de la ponctuation, et s’affranchit des règles grammaticales.

Vers poésie : exemple
Naître avec le printemps, mourir avec les roses,
Sur l’aile du zéphyr nager dans un ciel pur,
Balancé sur le sein des fleurs à peine écloses,
S’enivrer de parfums, de lumière et d’azur,
Secouant, jeune encor, la poudre de ses ailes,
S’envoler comme un souffle aux voûtes éternelles,
Voilà du papillon le destin enchanté !
Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose,
Et sans se satisfaire, effleurant toute chose,
Retourne enfin au ciel chercher la volupté !

Alphonse de Lamartine, Le papillon

Propre à l’art poétique, le vers se distingue par le nombre de ses syllabes, l’élément minimal qui le compose, et la sonorité, ou l’absence de sonorité, de ses rimes. Des trouvères aux slameurs, la versification classique ou moderne rassemble poètes et musiciens autour de syllabes muettes ou chantantes, mais invariablement musicales.

Qu’est-ce qu’un vers en poésie ?

À l’écrit, le vers, du latin classique versus signifiant « tourné », se compose d’un ou de plusieurs mots, introduits par une majuscule et conclus par un retour à la ligne, après une éventuelle ponctuation. Ainsi, étymologiquement, c’est bien le retour à la ligne, plus que la ponctuation, qui marque la fin du vers.

Par ailleurs, les majuscules en début de vers ne respectent pas les règles grammaticales du français. Tous les premiers mots des vers prennent la majuscule, même s’ils ne marquent pas forcément le début d’une phrase. Ce sont des majuscules de position, et non de signification.

Vers de poésie
L’été, lorsque le jour a fui, de fleurs couverte
La plaine verse au loin un parfum enivrant ;
Les yeux fermés, l’oreille aux rumeurs entrouverte,
On ne dort qu’à demi d’un sommeil transparent.

Les astres sont plus purs, l’ombre paraît meilleure ;
Un vague demi-jour teint le dôme éternel ;
Et l’aube douce et pâle, en attendant son heure,
Semble toute la nuit errer au bas du ciel.

Victor Hugo, Nuits de juin

Dans l’exemple ci-dessus (Nuits de juin de Victor Hugo), l’accord féminin singulier de couverte, à la fin du premier vers, témoigne d’une lecture particulière. Les deux premiers vers sous-entendent que ce sont les plaines qui sont couvertes de fleurs ; un sens qui n’est pas explicitement rendu par la coupure graphique du vers.

Il est ainsi faux d’associer le vers à une phrase, ou plus simplement à une ligne, puisque sa signification peut déborder sur plusieurs lignes. La présence d’une majuscule, dont le rôle n’est pas grammatical, ne fait pas d’un vers une phrase. La définition du vers repose avant tout sur son oralité.

À l’oral, le vers se distingue en effet par sa métrique, la mesure du vers selon un découpage en syllabe propre à la langue française. Le nombre de syllabes dans le vers doit répondre à des règles de versification strictes, dont dépendent les rimes, ou répétitions d’un même son, la césure, ou coupure rythmique, les allitérations, les assonances, etc.

Une histoire de vers et de trouvères
Le vers de poésie puise sa particularité dans l’histoire de la langue française. Les premiers poèmes en langue d’oïl, ancêtre du français parlé dans le nord de la France, sont apparus sous la forme de chansons de gestes, des textes chantés à la gloire de vaillants chevaliers.

En ces temps médiévaux, peu de trouvères, les poètes de langue d’oïl, savaient lire ou écrire. Les textes étaient donc appris par cœur et récités de mémoire. La sonorité et la rythmique des vers participaient grandement à ce processus de mémorisation.

En effet, la longueur des syllabes et les rimes à la fin des vers étaient les seuls moyens mnémotechniques permettant une mémorisation « à l’oreille », sans support visuel. L’imprimerie n’étant pas encore diffusée dans cette partie du monde, ces textes chantés, appris et retenus phonétiquement, ont assuré pendant des siècles une transmission langagière et culturelle essentielle.

Si fredonner un air sans connaissances musicales est relativement aisé, retenir des paroles sans les avoir lues au préalable donne souvent lieu à des paroles bredouillées ou incorrectes, voire à des hallucinations auditives. La métrique et la sonorité des vers ont irrémédiablement servi de véhicule au patrimoine linguistique et culturel français.

Généralement associé à la poésie, le vers n’est pourtant pas une caractéristique essentielle du genre. La prose, style poétique non versifié, s’affranchit totalement des règles de la versification et s’éloigne complètement de la rythmique et de la musicalité d’une strophe, le regroupement de plusieurs vers.

Réunis en strophes et définis par un nombre précis de syllabes, les vers en poésie se distinguent des phrases d’une prose ou des lignes graphiques d’un simple texte écrit. Leur rythme et leurs rimes en font un contenu destiné à être oralisé. Qu’ils soient lus ou proclamés, ils sont le lieu d’une rencontre intemporelle entre musique et langage.

Les strophes : rassembler des vers de poésie
Les vers en poésie sont réunis sous forme de strophes, qui portent des noms spécifiques selon le nombre de vers qu’il rassemble. Une strophe est à la poésie versifiée ce que le paragraphe est à la prose.

1 vers en poésie : un monostiche
2 vers en poésie : un distique
3 vers en poésie : un tercet
4 vers en poésie : un quatrain
5 vers en poésie : un quintil
6 vers en poésie : un sizain ou sixain
7 vers en poésie : un septain
8 vers en poésie : un huitain
9 vers en poésie : un neuvain
10 vers en poésie : un dizain
11 vers en poésie : un onzain
12 vers en poésie : un douzain

La strophe représente une unité de sens : les vers sont rassemblés selon une certaine cohérence. Un poème peut ainsi être composé d’une seule et même strophe, tant que la cohérence des vers est respectée.

La syllabe : l’unité minimale du vers

Le vers de poésie répond à des contraintes spécifiques qui en déterminent la prosodie, la façon de dire le poème. Le français étant une langue syllabique, les contraintes de sa poésie reposent sur la quantité et la durée des syllabes.

Le nom des vers en poésie
Un vers est nommé en fonction du nombre de syllabes qui le compose.

Un vers d’1 syllabe : un monosyllabe
Un vers de 2 syllabes : un dissyllabe
Un vers de 3 syllabes : un trissyllabe
Un vers de 4 syllabes : un tétrasyllabe
Un vers de 5 syllabes : un pentasyllabe
Un vers de 6 syllabes : un hexasyllabe
Un vers de 7 syllabes : un heptasyllabe
Un vers de 8 syllabes : un octosyllabe
Un vers de 9 syllabes : un ennéasyllabe
Un vers de 10 syllabes : un décasyllabe
Un vers de 11 syllabes : un hendécasyllabe
Un vers de 12 syllabes : un dodécasyllabe ou alexandrin

Un vers composé de plus de 12 syllabes est un vers libre, un type de vers qui s’affranchit non seulement de la métrique, mais également de la musicalité de la poésie classique par son absence de rimes.

Traditionnellement, dans la poésie française, les vers sont rimés et les plus longs (décasyllabes et alexandrins) sont divisés au moyen d’une césure, une coupure à la moitié du vers, qui le sectionne en deux hémistiches, ou sous-vers de six syllabes pour les alexandrins. Toutefois, pour les décasyllabes, la césure ne s’opère pas à l’hémistiche, mais après la quatrième syllabe du vers.

Le pied et la syllabe
Le pied en poésie se définit par la durée de la syllabe. Il peut correspondre à plusieurs syllabes, notamment en présence d’au moins une syllabe muette.

À l’instar d’une mesure à deux ou trois temps en musique, le pied se divise en syllabes. Il n’est donc pas obligatoirement une seule syllabe, mais représente une seule unité de temps dans la rythmique du vers.

Il est alors incorrect, en versification française, de considérer pied et syllabe comme synonymes.

Si les rimes, la longueur des syllabes et la césure participent à la rythmique du vers, sa métrique repose surtout sur la succession des syllabes accentuées et non accentuées qui le composent. Il faut ainsi tenir compte des syllabes non prononcées, ou atones, en milieu ou en fin de vers.

Comment compter les syllabes d’un vers

Certaines syllabes, qui ne sont pas prononcées, ne doivent pas être comptées dans la composition métrique du vers. C’est le cas des syllabes dites muettes, qui terminent le vers par un « e » muet, et les syllabes élidées, dont le « e » muet est suivi d’une voyelle. Ces syllabes, bien que doubles, forment un seul et même pied.

Vers poésie : définition de la métrique
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

Paul Verlaine, Mon rêve familier (première strophe)

Exemples de syllabes élidées

Je / fais / sou / vent / ce / rê / ve é / tran / ge et / pé / né / trant

  • Le « e » final de rêve ne compte pas, car il est suivi du « é » de étrange.
  • Le « e » final de étrange ne compte pas, car il est suivi du « e » de et.

Exemples de syllabes muettes

D’u / ne / fem / me in / con / nue /, et / que / j’ai / me, et / qui / m’aime

Et / qui / n’est, / cha / que / fois, / ni / tout / à / fait / la / même

  • Le « e » final de m’aime ne compte pas, car il termine le vers.
  • Le « e » final de même ne compte pas, car il termine le vers.

En revanche, les syllabes se terminant par une voyelle et suivies d’une consonne doivent être comptées comme deux syllabes distinctes et forment donc deux pieds.

Exemples de syllabes non muettes
D’u / ne / fem / me in / con / nue /, et / que / j’ai / me, et / qui / m’aime

  • Le « e » final de une compte, car il est suivi d’une consonne, le « f » de femme.

La métrique de la poésie classique ne serait pas tout à fait française sans quelques exceptions. Les syllabes se finissant par une voyelle, mais présentant la marque du pluriel (« -s », « -x » ou « -ent »), comptent également comme deux syllabes distinctes, même lorsqu’elles sont suivies d’une voyelle.

Exemple de vers en poésie
Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

Charles Baudelaire, Élévation (première strophe)

Cas particulier : la syllabe se termine par une voyelle marquée du pluriel

Par / de / là / les / con / fins / des / sphè / res / é/ toi / lées

  • Le « e » final de sphères compte, car, même s’il est suivi de la voyelle « é » de étoile, il est marqué par le « s » du pluriel.

Aussi, le nombre de syllabes de certains mots peut varier selon si l’on dissocie ou non les voyelles d’une même syllabe. Ces modifications phonétiques, appelées diérèse ou synérèse, s’appliquent généralement à la voyelle « i » en particulier au sein de la syllabe « ion ».

La diérèse reflète une prononciation en deux syllabes d’une séquence qui n’en forme habituellement qu’une. Au contraire, la synérèse est la fusion phonétique de deux voyelles en une seule syllabe. Autrement dit, la diérèse sépare deux syllabes, alors que la synérèse unit les syllabes.

Exemples de diérèse 
  • Expansion : Ex / pan / si / on
    Quatre syllabes en divisant la dernière syllabe en deux unités
  • Lion : Li / on
    Deux syllabes

Exemples de synérèse

  • Expansion : Ex / pan / sion
    Trois syllabes en fusionnant les deux sons vocaliques de « sion »
  • Lion
    Une syllabe

Les différents types de vers en poésie

En poésie française, il existe différentes formes de vers qui reflètent la volonté du poète de s’inscrire ou non dans la tradition de la poésie classique. Certains auteurs s’affranchissent des limites imposées pour exprimer plus librement leur créativité et leur sensibilité.

Les vers « enjambés »

Présent dans la poésie classique et contemporaine, l’enjambement permet de reporter, au vers suivant, la signification du vers précédent. En général, ce débordement sémantique a lieu sur deux vers sans que l’on puisse déceler de pause ni de reprise dans l’énoncé.

L’enjambement, preuve irrémédiable de l’aspect non linéaire du vers, possède une dynamique singulière, illustrée par les curiosités grammaticales et lexicales qu’il engendre. La cohésion ainsi créée entre les vers implique que ce procédé ne puisse exister qu’au sein d’une seule strophe.

Les vers libres

C’est la forme de vers qui s’éloigne le plus du cadre normé et rigide de la tradition classique. La longueur, le rythme et la présence de rimes sont laissés à l’appréciation de l’auteur. Composé d’une à plus de douze syllabes, le vers libre se caractérise par une forme irrégulière et une absence de rime qui le rapproche de la prose.

Toutefois, la poésie en vers libres se distingue de la prose par sa forme qui exige la présence de majuscules en début de vers. Le slam, forme poétique contemporaine, se rapproche de ces vers libres, mais les textes sont avant tout produits pour être chantés. Leur production graphique est optionnelle, puisque les vers peuvent être scandés de manière tout à fait improvisée lors de joutes oratoires.

Les vers blancs

Un vers blanc ne rime avec aucun autre vers du poème. Souvent employé pour son effet de surprise, il rompt véritablement le rythme du poème, surtout lorsqu’il est inséré au milieu de vers rimés. L’effet créé impose une rupture graphique, phonétique, et parfois lexicale, dans la forme et le fond du poème.

Questions fréquentes sur le vers de poésie

Les vers en poésie, c’est quoi ?

La définition d’un vers en poésie réunit un aspect graphique et phonétique. Le vers commence par une majuscule, peut déborder sur plusieurs lignes et répond à un rythme spécifique, sa métrique, marqué par un nombre précis de syllabes.

Qu’est-ce que le type d’un vers en poésie ?

Un vers de poésie peut être blanc, libre ou enjambé. L’enjambement répond aux règles techniques de la poésie classique, ce qui n’est pas le cas des deux autres formes.

Les vers blancs et libres correspondent à une vision résolument plus moderne de la poésie et procurent une certaine liberté de création, revendiquée par les poètes contemporains.

Quels sont les plus beaux vers de la poésie française ?

Voici quelques-uns des plus grands vers classiques de la poésie française :

  • Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, (Joachim du Bellay, Heureux qui comme Ulysse, 1555)
  • Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ; (Louise Labbé, ibid., 1557)
  • Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie. (Pierre de Ronsard, ibid., 1578)
  • Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé. (Alphonse de Lamartine, L’isolement, 1820)
  • Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, (Victor Hugo, Demain, dès l’aube…, 1856)
  • Ses ailes de géant l’empêchent de marcher. (Charles Baudelaire, L’albatros, 1861)
  • Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine (Arthur Rimbaud, Le dormeur du val, 1870)
  • J’écris ton nom (Paul Éluard, Liberté, 1942)
  • Je dis tu à tous ceux que j’aime (Jacques Prévert, Barbara, 1946)
  • L’avenir de l’homme est la femme (Louis Aragon, Le fou d’Elsa, 1963)
Qu’est-ce que les vers impairs (poésie) ?

Un vers impair est composé d’un nombre impair de syllabes. Ainsi, les vers d’une, trois, cinq, sept, neuf et onze syllabes sont des vers impairs.

Quels sont les plus célèbres vers de poésie en anglais ?

Lorsqu’il s’agit de décrire la nature à la faveur du romantisme, les anglophones ne sont pas en reste. Voici les cinq plus beaux vers de la poésie britannique et américaine du XVIIe siècle :

  • I wandered lonely as a cloud (William Wordsworth, ibid., 1807)
  • One shade the more, one ray the less, (Lord Byron, She Walks in Beauty, 1814)
  • Once upon a midnight dreary, while I pondered, weak and weary, (Edgar Allan Poe, The Raven, 1845)
  • I love thee to the depth and breadth and height (Elizabeth Barrett Browning, How Do I Love Thee?, 1845)
  • Because I could not stop for Death— (Emily Dickinson, ibid., 1890)
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Aude Charrin, MA

Traductrice et linguiste de formation, Aude a également enseigné le français à des jeunes en difficulté scolaire. Sa nouvelle mission : démocratiser la langue française en vulgarisant ses concepts.