Strophe | Poésie

En poésie, une strophe est un groupe de vers isolés, qui possèdent un nom spécifique selon le nombre de vers rassemblés.

Strophe def
La strophe d’une poésie est l’équivalent du paragraphe dans un texte en prose. Elle rassemble plusieurs vers entre deux sauts de ligne.

Strophe : exemple

Les sanglots longs

Des violons

De l’automne

Blessent mon cœur

D’une langueur

Monotone.

[…]

Paul Verlaine, « Chansons d’automne », Poèmes saturniens (première strophe)

Explication :
La première strophe de ce poème de Paul Verlaine est sans doute la plus célèbre de la poésie française. Diffusée sur les ondes de Radio Londres le 4 juin 1944, elle annonçait secrètement l’imminence du débarquement allié sur les plages normandes.

Unité typographique et sémantique, la strophe nécessite une cohérence de sens et de format, régie musicalement par ses rimes. Du monostiche au dizain, voici tout ce que vous devez savoir sur la strophe, sans même avoir à lui tirer les vers du nez.

Strophe : définition

Propre à la poésie versifiée, la strophe est la subdivision d’un poème en vers rimés. À l’image du paragraphe pour la prose, du couplet pour la chanson ou du verset pour les textes religieux, cette subdivision est avant tout visuelle.

En effet, une espace typographique précède et suit la strophe. Elle est donc isolée visuellement parlant du reste du poème.

Exemple de strophes : le distique
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l’heure passé.

Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l’on entend à peine leurs paroles.

Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.

– Te souvient-il de notre extase ancienne ?
– Pourquoi voulez-vous donc qu’il m’en souvienne ?

– Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom ?
Toujours vois-tu mon âme en rêve ? – Non.

Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! – C’est possible.

– Qu’il était bleu, le ciel, et grand, l’espoir !
– L’espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.

Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.

Paul Verlaine, « Colloque sentimental », Fêtes galantes

Explication :
Strophe de deux vers, le distique est probablement l’un des formats les plus complexes à composer, car l’un des plus courts.

Limitée à deux vers, la structure du distique, et surtout le respect de sa cohérence interne, est un véritable exercice de style, auquel Paul Verlaine se prête magnifiquement.

Sa parade stylistique consiste à utiliser le dialogue entre deux personnages. L’interaction verbale ainsi mise en scène implique deux tours de paroles successifs et l’enjambement permet de répartir le sens de la strophe sur les deux vers.

Si le monostiche (vers unique) est la structure minimale, il reste plus facile à composer, car il véhicule une unité de sens autonome et ne dépend pas d’un autre vers.

Ainsi, une strophe peut rassembler de un à douze vers, mais ces derniers, quel que soit leur nombre, doivent conserver une certaine cohérence sémantique.

Un nom pour chaque strophe
  • Strophe de 1 vers en poésie : un monostiche
  • Strophe de 2 vers en poésie : un distique
  • Strophe de 3 vers en poésie : un tercet
  • Strophe de 4 vers en poésie : un quatrain
  • Strophe de 5 vers en poésie : un quintil
  • Strophe de 6 vers en poésie : un sizain ou sixain
  • Strophe de 7 vers en poésie : un septain
  • Strophe de 8 vers en poésie : un huitain
  • Strophe de 9 vers en poésie : un neuvain
  • Strophe de 10 vers en poésie : un dizain
  • Strophe de 11 vers en poésie : un onzain
  • Strophe de 12 vers en poésie : un douzain

Cette cohérence sémantique est également phonétique, puisqu’elle est en partie assurée par le type de rimes et leur schéma (rimes embrassées, rimes croisées ou rimes plates).

C’est en effet au cœur de la strophe que le schéma de rime prend tout son sens. Fonctionnant par paires de rimes, ces schémas sont parfois problématiques dans les strophes possédant un nombre impair de vers.

Ainsi, le sonnet, le format le plus codifié de la poésie classique, a vu les deux derniers tercets du modèle italien se fusionner en sizain en France, et se regrouper en un quatrain et un distique en Angleterre.

Un peu d’histoire…
Si le quatrain est le format de strophe le plus répandu en poésie, le quintil, le septain et le huitain ont largement contribué aux heures de gloire de la poésie lyrique.

Toutefois, les formats de strophes au-delà de douze vers n’ont jamais réellement inspiré les poètes. L’alexandrin, le grand vers, est sans doute à l’origine de l’absence de transgression de cette forme quasi canonique.

En effet, la noblesse de ses douze syllabes se reflète d’autant mieux dans une strophe de douze vers, un format appelé strophe carrée.

La symétrie entre la longueur du vers et la longueur de la strophe présente un esthétisme parfait, accentué par l’harmonie d’une césure à l’hémistiche, soit au milieu du vers.

À ce jour, le plus long poème jamais écrit présenterait plus de 110 000 distiques, rassemblant près de 220 000 vers de 16 syllabes. Poème épique rédigé en sanskrit, le Mahâbhârata serait huit fois plus long que les textes combinés de L’Iliade et de L’Odyssée.

La strophe est donc délimitée typographiquement, phonétiquement et sémantiquement, mais elle peut tout à fait composer un poème à part entière. C’est le cas du haïku ou de l’acrostiche, des poèmes d’une seule strophe dont les formats impliquent d’autres contraintes visuelles et esthétiques.

Autrefois, la ponctuation en poésie répondait à des règles strictes et garantissait, plus encore que l’aspect visuel ou sonore, la cohérence interne des strophes dans les poèmes classiques.

Types de strophe

Il existe cinq grands types de strophes, mais cette distinction, appartenant au strict code de la poésie classique, n’a plus vraiment cours aujourd’hui.

  • la strophe carrée : le même nombre de vers par strophe que de syllabes par vers (par exemple, un quatrain de tétrasyllabes, soit 4 vers de 4 syllabes) ;
Exemple de strophe carrée
[…]

Ils sont tout près ! – Tenons fermée

Cette salle, où nous les narguons.

Quel bruit dehors ! Hideuse armée

De vampires et de dragons !

La poutre du toit descellée

Ploie ainsi qu’une herbe mouillée,

Et la vieille porte rouillée

Tremble, à déraciner ses gonds !

[…]

Victor Hugo, « Les Djinns », Les Orientales (septième strophe)

Explication :
Cette strophe dite carrée est un huitain d’octosyllabes, soit 8 vers de 8 syllabes.

  • la strophe horizontale : un nombre de vers par strophe inférieur au nombre de syllabes par vers (par exemple, un quintil d’alexandrins, soit 5 vers de 12 syllabes) ;
Exemple de strophe horizontale
[…]

Moi je sais que de vous, douce et sainte habitude,

Me vient l’Enthousiasme et l’Amour et l’Étude,

Et que mon peu de feu s’allume à vos autels

Gérard de Nerval, « À Victor Hugo » (dernière strophe)

Explication :
Cette strophe, denier tercet d’un sonnet, est dite horizontale ; elle rassemble 3 vers de 12 syllabes.

  • la strophe verticale : un nombre de vers par strophe supérieur au nombre de syllabes par vers (par exemple, un onzain d’hexasyllabes, soit 11 vers de 6 syllabes) ;
Exemple de strophe verticale
[…]

Dans la plaine

Naît un bruit.

C’est l’haleine

De la nuit.

Elle brame

Comme une âme

Qu’une flamme

Toujours suit !

[…]

Victor Hugo, « Les Djinns », Les Orientales (deuxième strophe)

Explication :
Cette strophe dite verticale se compose d’un huitain de trissyllabes, soit 8 vers de 3 syllabes.

  • la strophe isométrique (ou régulière) : le même nombre de syllabes pour chaque vers de la strophe ;
Exemple de strophe isométrique
Votre âme est un paysage choisi

Que vont charmant masques et bergamasques

Jouant du luth et dansant et quasi

Tristes sous leurs déguisements fantasques.

[…]

Paul Verlaine, « Clair de lune », Fêtes galantes (première strophe)

Explication :
Cette strophe, un quatrain de décasyllabes (soit 4 vers de 10 syllabes), est dite isométrique, car chaque vers possède la même longueur.

Paul Verlaine compose d’ailleurs l’entièreté de ce poème de trois strophes en quatrains isométriques.

  • la strophe hétérométrique (ou irrégulière) : un nombre différent de syllabes pour les vers de la strophe ;
Exemple de strophe hétérométrique
J’aime l’araignée et j’aime l’ortie,
Parce qu’on les hait ;
Et que rien n’exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;

[…]

Victor Hugo, « Poème XXVII », Les Contemplations (première strophe)

Explication :
Cette strophe est dite hétérométrique, car les vers présentent différentes longueurs. Ce quatrain se compose d’une alternance de décasyllabes (10 syllabes) et de pentasyllabes (5 syllabes).

Questions fréquentes sur la strophe

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Aude Charrin, MA

Traductrice et linguiste de formation, Aude a également enseigné le français à des jeunes en difficulté scolaire. Sa nouvelle mission : démocratiser la langue française en vulgarisant ses concepts.