Poésie lyrique | Définition & exemples

La poésie lyrique s’inscrit dans un genre poétique particulier, celui de l’expression exaltée des sentiments et des émotions du poète suscités par les thèmes existentiels de l’amour, de la nature, de la vie ou de la mort.

Poésie lyrique exemple
[…]
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

Guillaume Apollinaire, « Le pont Mirabeau », Alcools (dernières strophes)

Distinct des courants poétiques, le genre lyrique fait référence aux origines musicales de la poésie et s’oppose, par sa passivité réflexive, à la mise en action héroïque du genre épique.

Qu’est-ce qu’une poésie lyrique ?

La définition d’une poésie dite lyrique repose essentiellement sur l’étymologique de cet adjectif. Dans la mythologie grecque, Orphée, poète et musicien, charme son auditoire aux sons de sa lyre, un instrument à cordes semblable à la harpe.

La douleur d’Orphée, qui ne parvient pas à ramener son épouse des Enfers, pose les bases de la définition et du mythe. Par ailleurs, la complainte de l’amant face à son amour perdu fait d’Eurydice la première muse de la poésie lyrique.

Dès lors, l’adjectif lyrique fait référence à toute forme de poésie chantée, exploitant les rythmes et la musicalité du langage pour traduire émotions et passions. Le poème lyrique prend alors la forme d’odes, d’élégies ou de dithyrambes, des poèmes tristes ou élogieux, mais invariablement chantés.

Dès le XVIe siècle, la définition évolue vers une forme subjective d’expression. Par opposition aux poèmes épiques, contés à la gloire d’héroïques combattants, la poésie lyrique prône désormais une passivité inhérente à la réflexion contemplative du poète.

Poésie lyrique de Victor Hugo
Tu me parles du fond d’un rêve
Comme une âme parle aux vivants.
Comme l’écume de la grève,
Ta robe flotte dans les vents.

Je suis l’algue des flots sans nombre,
Le captif du destin vainqueur ;
Je suis celui que toute l’ombre
Couvre sans éteindre son cœur.

[…]

Victor Hugo, « À celle qui est voilée », Les contemplations (premières strophes)

Le regard est posé aussi bien à l’extérieur, sur un environnement immédiat, qu’à l’intérieur, où bouillonnent les questionnements face à l’évanescence de la vie, à la fugacité des sentiments, à la volatilité du temps, thèmes de prédilection des auteurs.

Mélancolique, nostalgique, contemplatif, le genre lyrique n’est plus seulement réservé aux poèmes chantés. La musicalité est toutefois assurée par la rythmique du vers, dont le format et la sonorité des rimes en sont le témoignage.

Poésie lyrique de Baudelaire
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
[…]

Charles Baudelaire, « À une passante », Les Fleurs du mal (premières strophes)

L’abandon du chant n’empêche donc ni la musicalité ni l’émotion. Le poète, même s’il n’est plus interprète, reste le cœur, l’essence du poème lyrique, dont la rédaction au « je » devient d’ailleurs une des caractéristiques premières.

Poésie lyrique : caractéristiques

Le genre lyrique en poésie se caractérise par des thèmes spécifiques et une écriture à la première personne. D’autres outils stylistiques, partagés par différents genres littéraires, sont aussi largement exploités dans l’écriture lyrique.

Les thèmes centraux

De toutes les époques, la nature a toujours été le théâtre d’une contemplation méditative. Les forêts, les lacs, les rivières sont synonymes dans l’inconscient collectif d’une observation romantique et de l’introspection qui en résulte.

Poésie lyrique : la nature
[…]
Adieu, vallons ; adieu, bocages ;
Lac azuré, rochers sauvages,
Bois touffus, tranquille séjour,
Séjour des heureux et des sages,
Je vous ai quittés sans retour.
[…]

Alphonse de Lamartine, « Adieu », Méditations poétiques

Toutefois, la nature ne fait pas uniquement référence à l’environnement naturel. L’urbanité, environnement artificiel, est si bien dépeinte par certains auteurs que leur style lyrique renforce la crasse de la ville et la laideur de l’urbain.

Poésie lyrique en prose : l’urbain
Enfin ! seul ! On n’entend plus que le roulement de quelques fiacres attardés et éreintés. Pendant quelques heures, nous posséderons le silence, sinon le repos.
Enfin ! la tyrannie de la face humaine a disparu, et je ne souffrirai plus que par moi-même.
Enfin ! il m’est donc permis de me délasser dans un bain de ténèbres !
D’abord, un double tour à la serrure. Il me semble que ce tour de clef augmentera ma solitude et fortifiera les barricades qui me séparent actuellement du monde.
Horrible vie ! Horrible ville !
[…]

Charles Baudelaire, « À une heure du matin », Petits poèmes en prose

La contemplation méditative de l’environnement, naturel ou artificiel, amène inévitablement au constat de sa fugacité, de son évanescence. Thème commun à la nature et à l’humain, l’inexorabilité du temps qui passe, faisant écho aux thèmes de la vie et de la mort, glace d’angoisse et habille de chagrin la sensibilité du poète.

Poésie lyrique : la fuite du temps
Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu’à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux.

Le temps aux plus belles choses
Se plaît à faire un affront,
Et saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.

Le même cours des planètes
Règle nos jours et nos nuits
On m’a vu ce que vous êtes ;
Vous serez ce que je suis.
[…]

Pierre Corneille, « À la Marquise »

Enfin, l’amour, souvent malheureux, est également un des grands thèmes de la poésie lyrique. Qu’il soit passionnel ou filial, l’amour, et l’exaltation qui l’accompagne, alimente depuis toujours la verve des poètes.

Poésie lyrique : l’amour
[…]
Je ne vous aime pas, c’est dit, je vous déteste,
Je vous crains comme on craint l’enfer, de peur du feu ;
Comme on craint le typhus, le choléra, la peste,
Je vous hais à la mort, madame ; mais, mon Dieu !
Expliquez-moi pourquoi je pleure, quand je reste
Deux jours sans vous parler et sans vous voir un peu.

Alphonse Daudet, « À Célimène », Les Amoureuses (dernière strophe)

L’énonciation au « je »

Si le thème du poème correspond au fond, l’énonciation concerne la forme. Dans l’écriture lyrique, le poète est un narrateur participant qui adresse son message à une autre personne, un destinataire réel ou imaginaire, mais toujours mentionné.

Si les poètes lyriques chantaient leurs œuvres, signant ainsi leur production, les poètes classiques, destinés à être lus et non écoutés, n’ont d’autres choix que d’afficher leur présence à l’aide de marques énonciatives, qui leur en attribue, mieux encore qu’une signature, la paternité.

Toutefois, ces marques énonciatives ne prennent pas toujours la forme du pronom personnel sujet « je ». D’autres pronoms, identiques dans le sens, mais différents dans la forme, sont souvent exploités par les auteurs pour signaler subtilement leur présence.

Poésie lyrique et présence énonciative
[…]
Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierre
tu la vis s’asseoir !

Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.

Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.
[…]

Alphonse de Lamartine, « Le lac », Méditations poétiques

Classique parmi les classiques, ce poème d’Alphonse de Lamartine, à la fois ode à la nature et éloge funèbre, rassemble toutes les caractéristiques du lyrisme.

En effet, la nature est véritablement au premier plan : l’auteur s’adresse à elle en interpellant, en apostrophant son lac, en le sommant à l’impératif, comme s’il pouvait l’entendre et lui répondre.
Cette personnification est d’ailleurs amplifiée par l’utilisation du champ lexical de la nature qui donne corps au lac.

Les marques énonciatives sont également légion : alors que le pronom personnel sujet n’est utilisé qu’une seule fois, le « tu » et surtout le « nous » dissimulent nécessairement un « je » et rendent compte implicitement de la présence de l’auteur.

Enfin, la ponctuation de ce poème, qui accompagne les exclamations, les questions et les injonctions, accélère le rythme et les images à mesure que se déroule le souvenir du poète, catalysant ainsi sa tristesse et sa mélancolie.

Les figures de style

La poésie, plus que n’importe quel autre genre littéraire, se prête à merveille à la création stylistique. L’utilisation de figures de style, qu’elles soient propres au genre poétique ou issues de la rhétorique, agence les mots, façonne les vers et matérialise l’art poétique.

Si l’aspect structurel de l’enjambement s’avère technique, certains procédés, nettement plus simples à s’approprier (comme le parallélisme, l’anaphore ou la métaphore) sont des éléments essentiels pour évoquer des images originales, communiquer des sensations subjectives et dévoiler des sentiments intimes.

Poésie lyrique de Rimbaud
[…]

Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux – Et je l’ai trouvée amère. – Et je l’ai injuriée.

[…]

Je me suis enfui. Ô sorcières, ô misère, ô haine c’est à vous que mon trésor a été confié !

[…]

Arthur Rimbaud, « Jadis, si je me souviens bien… », Une saison en enfer

Dans ces quelques vers, Arthur Rimbaud utilise à la fois l’allégorie et l’anaphore.

La Beauté, concept abstrait et invoqué à l’aide d’une majuscule, est traitée de façon allégorique. L’auteur la concrétise en la plaçant sur ses genoux et rétablit l’aspect éminemment subjectif de sa définition en l’injuriant.

Les trois apostrophes, toutes introduites par l’interjection Ô, constituent une anaphore rhétorique, qui correspond parfaitement aux caractéristiques du genre lyrique, puisqu’elle signale par le fait même la présence de l’auteur.

Certaines figures de style créent des associations sémantiques tellement originales qu’elles se situent aux frontières de l’erreur grammaticale ou syntaxique.

C’est le cas du zeugme, qui consiste à associer des mots ne possédant pas de liens sémantiques ou syntaxiques. L’aspect inédit de l’image ainsi créée garantit l’efficacité de la figure de style.

Si certains grammairiens ne voient dans le zeugme qu’une vulgaire erreur syntaxique, la créativité intrinsèque du genre poétique permet aux poètes une licence syntaxique, une liberté linguistique dont il serait dommage de se priver.

Poésie lyrique de Verlaine
[…]
Nous étions seul à seule, et marchions en rêvant,
Elle et moi, les cheveux et la pensée au vent.
[…]

Paul Verlaine, « Nevermore », Poèmes saturniens

Non content d’utiliser le zeugme, Paul Verlaine en use et en abuse en introduisant deux zeugmes en deux vers.

Le premier constitue un zeugme syntaxique, car seul à seul est à l’origine un adverbe invariable, signifiant « en tête-à-tête », où l’adjectif seul est utilisé uniquement au masculin singulier.

En insérant l’adjectif seule au féminin singulier, le poète insiste sur la composition mixte du duo, que l’on retrouve à la ligne suivante dans les pronoms elle et moi.

« [L]es cheveux et la pensée au vent » constituent le deuxième zeugme, cette fois, sémantique, car si cheveux au vent est une association attestée, ce n’est pas le cas de « pensées au vent ». Ce zeugme aboutit ici à une métaphore très originale, par l’image créée, mais surtout par la licence poétique qu’elle donne à l’auteur.

La poésie lyrique : genre poétique ou courant artistique
Le genre ou registre lyrique en poésie ne doit pas être confondu avec les courants artistiques et poétiques.

Le romantisme, le symbolisme ou le surréalisme sont des courants artistiques, un ensemble d’idées, d’opinions, de sentiments et de techniques qui ont abouti à un mouvement, une mode.

Ces courants se retrouvent ainsi dans plusieurs disciplines artistiques, de la sculpture à la littérature, en passant par la poésie. Les artistes, qu’ils soient peintres, poètes ou dramaturges, choisissent ou non d’adhérer à ces mouvements qui jalonnent l’histoire de l’art.

Le genre, comme le genre lyrique, est la combinaison de procédés stylistiques et de thématiques particulières, qui façonne un style, une manière spécifique de concevoir une œuvre.

Ainsi, certains poèmes de Victor Hugo, lui-même largement influencé par le courant romantique, s’inscrivent dans la poésie lyrique, tandis que d’autres, ridiculisant la société de l’époque, appartiennent à la poésie satirique.

Questions fréquentes sur la poésie lyrique

Quelle est la définition d’une poésie lyrique ?

La poésie lyrique se définit par des thèmes centraux, comme l’amour, la vie ou la mort, et une énonciation à la première personne. L’auteur fait part de sa passion, de ses sentiments, de ses émotions selon son point de vue, depuis sa propre intériorité.

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Aude Charrin, MA

Traductrice et linguiste de formation, Aude a également enseigné le français à des jeunes en difficulté scolaire. Sa nouvelle mission : démocratiser la langue française en vulgarisant ses concepts.