La ponctuation en poésie | Règles et exemples

Art lyrique par excellence, la poésie compte parmi les genres littéraires les plus anciens.
Il s’agit d’une forme d’art qui utilise la langue et ses subtilités pour suggérer des émotions et des images vives afin d’éveiller la sensibilité du lecteur.

Puisqu’elle est très libre quant aux sujets qu’elle aborde, et plus particulièrement ceux qui soulèvent la passion de ses auteurs, il n’est pas surprenant que certains poètes, fervents amoureux des mots, aient parfois pris la plume pour célébrer un outil linguistique incontournable : la ponctuation.

Dans le même temps, la poésie est régie par un ensemble de règles rythmiques et formelles qui lui sont propres. Dès lors, la ponctuation telle que nous la connaissons et l’utilisons dans des formes d’écrit plus flexibles doit s’adapter à ces usages.

Poésie : ponctuation
Fort
Belle,
Elle
Dort ;

Sort
Frêle !
Quelle
Mort !

Rose
Close,
La

Brise
L’a
Prise.

(Jules de Rességuier, « À une jeune morte »)

Cette poésie monosyllabique (c’est-à-dire une poésie dont chaque vers ne compte qu’une seule syllabe) contient à elle seule quatre signes de ponctuation différents : la virgule, le point-virgule, le point d’exclamation et le point.

Ponctuation et poésie : définitions croisées

La poésie compte parmi les genres littéraires les plus anciens et se décline en plusieurs sous-genres : poésie lyrique, poésie épique, poésie didactique, poésie satirique…

Tout en revêtant plusieurs aspects et en voyant sa définition évoluer, elle a traversé tous les courants artistiques et toutes les époques sans jamais se départir de sa popularité, qu’elle doit notamment à sa singularité sur le plan formel, qui la rend identifiable au premier coup d’œil.
En effet, la poésie a cela de spécifique qu’elle privilégie la musicalité et la mélodie du texte pour mieux exprimer les émotions et les images qu’elle véhicule.

Faire de la poésie, c’est avant tout jouer avec les mots et les sons (y compris dans la poésie en prose, sans vers et sans rimes). Cela permet d’aborder la langue sous un angle didactique ou ludique, voire d’apprendre du vocabulaire nouveau.
C’est la raison pour laquelle les premiers textes que l’on apprend et étudie à l’école sont souvent des poèmes.

Exemple de poésie étudiée au CE2 avec ponctuation
Sur le chemin de l’école,
Les crayons de couleur
Sautent du cartable
Pour dessiner des fleurs.
Les lettres font la fête
Debout sur les cahiers,
Elles chantent à tue-tête
L’alphabet des écoliers.
Ciseaux et gommes
Sèment la zizanie,
Ils laissent sur la route
Tout un tas de confettis.
Entends-tu, ce matin,
Le chahut sur le chemin ?
C’est la rentrée qui revient !

(Véronique Colombé, « Chahut »)

En poésie, le rythme des mots est essentiel et donne aux œuvres toute leur consistance.
La forme y est au moins aussi importante que le fond.

La ponctuation, quant à elle, renvoie à l’ensemble des symboles et signes graphiques utilisés dans l’écriture afin de structurer un texte.
Elle permet de contrôler le rythme d’un texte en indiquant les pauses, les intonations et les liens sémantiques qui le cadencent. Ainsi, la ponctuation est là pour clarifier et guider le lecteur dans sa compréhension et son interprétation du texte.

Pour ce faire, nous disposons de nombreux signes de ponctuation, parmi lesquels :

Poésie avec ponctuation : exemple
C’est ce lutin qui fait qu’on ne dort pas,
Qu’on ne vit qu’à demi, qu’à toute heure on soupire,
Qui, dès le grand matin, tourne en hâte nos pas
Vers un objet qui fait notre martyre ;
C’est ce charmant accord qui nous force d’aimer,
C’est ce je-ne-sais-quoi qu’on ne peut exprimer :
En un mot, c’est ce feu toujours insatiable
Qui nous dévore et nous suit en tout lieu.
Plusieurs disent que c’est un dieu,
Pour moi je crois que c’est un diable.

(Jean-Baptiste-Joseph Villart de Grécourt, « Qu’est-ce que l’amour ? »)

À première vue, le lien entre ponctuation et poésie semble assez limpide : le genre de la poésie repose en majeure partie sur l’importance qu’elle donne au rythme quand la ponctuation en est la vectrice et la garante…

Le rôle de la ponctuation en poésie : exemple

En poésie, la ponctuation joue un rôle déterminant dans la structure, le rythme, la mélodie et la compréhension des œuvres.
Tout comme dans un texte en prose, c’est elle qui donne le la et impose le ton de la lecture, ton qui peut influencer de façon déterminante la façon dont le lecteur la reçoit.

Prenons par exemple l’un des poèmes français les plus étudiés : « Le Lac » de Lamartine.

La poésie et la ponctuation : exemple
Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.

Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m’échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l’aurore
Va dissiper la nuit.

Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;
Il coule, et nous passons !

(Alphonse de Lamartine, « Le Lac »)

Bijou de la poésie romantique par excellence, ce poème de Lamartine, qui évoque la maladie incurable et mortelle dont souffrait son amante, en porte toutes les exaltations.
En soi, les mots qu’il pose illustrent déjà parfaitement l’angoisse d’un homme face à la perspective de la mort proche de l’être aimé et de la séparation qui s’annonce.
Mais la ponctuation, et notamment les nombreux points d’exclamation présents à la fin de plusieurs vers, apporte une veine dramatique au ton de Lamartine, qui nous transmet ainsi de manière criante toute son affliction.

Imaginons maintenant que le poème ait été écrit d’une autre manière, sans les points d’exclamation, que nous remplacerons par des virgules pour les besoins de notre analyse…

Le Lac de Lamartine (avec ponctuation modifiée)
Ô temps, suspends ton vol, et vous, heures propices,
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours.

Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.

Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m’échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l’aurore
Va dissiper la nuit.

Aimons donc, aimons donc, de l’heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons,
L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;
Il coule, et nous passons.

Les mots sont intacts, le sens également, mais la façon dont on perçoit les mots de Lamartine change du tout au tout : sans les points d’exclamation, le texte se fait plus morne, plus tiède, comme si l’auteur avait déjà renoncé alors que dans la version originale, le poème prend quasiment des airs de supplication et exprime une certaine combativité face à la fatalité de la situation.

Grâce aux points d’exclamation, ce poème, qui aurait pu résonner comme une simple complainte chuchotée à bas bruit, se mue en un véritable cri de désespoir, si bien qu’on peut presque entendre Lamartine le déclamer en le lisant.

Voilà là tout le rôle de la ponctuation en poésie : déterminer le rythme et la cadence, structurer et organiser le texte pour mieux exprimer les émotions de son auteur selon un ton bien particulier.

Les signes de ponctuation fréquemment employés en poésie

En théorie, la poésie n’est pas soumise à des règles différentes par rapport à un texte en prose sur le plan de la ponctuation. Elle peut par conséquent faire usage de tous les signes de ponctuation existants.
Dans la pratique, certains signes sont plus utilisés que d’autres dans les textes poétiques, eu égard à leur fréquence d’utilisation mais aussi à l’effet qu’ils créent.

Parmi eux, nous pouvons citer, par ordre de fréquence :

  • la virgule, qui indique une courte pause et apporte des respirations entre les vers ;
  • le point, qui marque une pause plus longue, voire la fin d’une idée ;
  • le point d’exclamation, qui souligne l’intensité d’une émotion ou vient ponctuer la surprise ou la colère ;
  • le point d’interrogation, qui permet d’exprimer le doute ou la réflexion ;
  • le deux-points, qui permet de préciser un propos ou d’inclure une définition ou une citation.
  • les points de suspension, qui mettent en exergue une hésitation, un silence prolongé ou le caractère inachevé d’un propos ou d’une pensée.
Illustrations de la ponctuation en poésie : exemples
  • Le temps a laissé son manteau
    De vent, de froidure et de pluie,
    Et s’est vêtu de broderie,
    De soleil luisant, clair et beau.(Charles d’Orléans, « Le temps a laissé son manteau »)
  • Où sont nos amoureuses ?
    Elles sont au tombeau.
    Elles sont plus heureuses,
    Dans un séjour plus beau !Elles sont près des anges,
    Dans le fond du ciel bleu,
    Et chantent les louanges
    De la mère de Dieu !Ô blanche fiancée !
    Ô jeune vierge en fleur !
    Amante délaissée,
    Que flétrit la douleur !L’éternité profonde
    Souriait dans vos yeux
    Flambeaux éteints du monde,
    Rallumez-vous aux cieux !(Gérard de Nerval, « Les Cydalises »)

Quand la poésie célèbre la ponctuation…

Dans la mesure où la ponctuation apporte rythme, musicalité et sens à la poésie, il n’est pas illogique que cette dernière, se sentant en dette, ait parfois voulu lui renvoyer la pareille…

Grâce à la créativité de passionnés de la langue et de ses arcanes, de nombreuses poésies célébrant la ponctuation et son caractère ludique ont vu le jour. Leur objectif commun ? Prouver que la ponctuation peut être amusante, surtout en poésie !

Voici un florilège des poésies sur la ponctuation les plus connues, parmi lesquelles beaucoup sont reconnues comme étant des poésies sur la ponctuation pour les CE2, des poésies sur la ponctuation pour les CM1 et des poésies sur la ponctuation pour les CM2.
En effet, on les étudie fréquemment au cycle 3, et pour cause : la façon dont elles sont écrites est particulièrement adaptée à une lecture pour un public de cet âge, sans parler de son contenu aussi ludique que pédagogique.

La poésie de Maurice Carême sur la ponctuation

Sous la forme d’un dialogue entre les signes qui se feraient concurrence, Maurice Carême a été l’un des premiers à mettre en scène la ponctuation.

La ponctuation par Maurice Carême : poésie
– Ce n’est pas pour me vanter,
Disait la virgule,
Mais, sans mon jeu de pendule,
Les mots, tels des somnambules,
Ne feraient que se heurter.
– C’est possible, dit le point.
Mais je règne, moi,
Et les grandes majuscules
Se moquent toutes de toi
Et de ta queue minuscule.
– Ne soyez pas ridicules,
Dit le point-virgule,
On vous voit moins que la trace
De fourmis sur une glace.
Cessez vos conciliabules
Ou, tous deux, je vous remplace !

(Maurice Carême, « Ponctuation »)

La poésie sur la ponctuation de Daniel Coulon

Son poème porte le même titre que celui de Maurice Carême, mais celui de Daniel Coulon ressemble davantage à une déclaration d’amour à la ponctuation et à la richesse dont elle sertit les textes…

Ponctuation : poésie de Daniel Coulon
Un point d’interrogation
Comment ? Une question ?
Et un point d’exclamation
Oh ! Quelle émotion !
Sur mon écritoire,
J’invente une histoire,
J’aligne les mots
Avec mon stylo.
Puis trois points de suspension,
Hé hé hésitation…
Je rajoute une virgule
Et regarde la pendule.
Quand j’ai tout écrit,
Alors je relis.
L’histoire est jolie,
Un point c’est fini.

(Daniel Coulon, « Ponctuation »)

Autres poésies sur le thème de la ponctuation : Geneviève Carron

La poétesse Geneviève Carron est l’autrice d’une série de poèmes célébrant différents signes de ponctuation tels que la virgule, le point d’interrogation ou encore le point d’exclamation.

La ponctuation dans la poésie par Geneviève Carron : la virgule
Hep là ! Pensez à moi ! Je m’appelle VIRGULE.
Je suis une courte inspiration,
Je sers à une bonne compréhension.
Je m’appelle VIRGULE,
Je fragmente discrètement
Vos longues tirades de petits temps.
Je m’appelle VIRGULE,
Plus légère qu’un souffle,
Je m’appelle VIRGULE
Et personne ne s’essouffle
Je m’appelle VIRGULE
J’ai l’air insignifiant,
Ne vous y trompez pas, je suis très importante. Je m’appelle VIRGULE,
M’avez-vous remarquée ?
Je m’appelle VIRGULE,
Je me suis envolée.

(Geneviève Carron, « Virgule »)

Poésie et ponctuation avec point d’interrogation : Geneviève Carron
Hein ? Quoi ? C’est à mon tour ?
Ne puis-je seulement faire demi-tour ? Qui suis-je ici ? Qui dois-je interpréter ? Quel est mon rôle et mon identité ? S’il vous plaît, ai-je mon nom ?
Hein ? Quoi ? Vous dites ? Pardon ?
Si grande est ma confusion… Peut-être suis-je Question ?
Non ??? Comment ? Pourquoi ?
Je vous en prie, dites-moi quoi ?
Dans le chaos de mes émotions
Ma mémoire est un POINT D’INTERROGATION

(Geneviève Carron, « Point d’interrogation »)

La ponctuation dans la poésie par Geneviève Carron : le point d’exclamation
Ça alors, c’est incroyable !
Tu fais preuve d’un talent admirable !
Et bien, moi, sans hésitation,
Je suis le POINT D’EXCLAMATION !
J’assène les propos vifs et les interjections
Et j’ai toujours d’alertes réactions.
Bruyant soit ! Je ne suis pas atone !
Je ponctue les volées de mots qui résonnent ! Je ris. Je crie. Je claque. J’interpelle !
Je tempête, je harcèle, je martèle !
Pif ! Paf ! Crac ! Boum ! Ha ! Ha !
Je suis l’ennemi des propos modérés
Et je ris aux éclats, n’en soyez point outrés.

(Geneviève Carron, « Point d’exclamation »)

Questions fréquentes sur la ponctuation en poésie

Quelle est la poésie sur la ponctuation de Renée Jeanne Mignard ?

La poésie de Renée Jeanne Mignard sur la ponctuation est l’une des plus complètes et inventives que l’on puisse trouver sur le sujet.

Une virgule,
Enfermée dans une bulle
Par un auteur indigne,
Essayait de rattraper
Un point à la ligne
Qui s’était échappé.
Elle escalada une majuscule,
Descendit un point d’exclamation,
Retomba sur un tréma,
Rebondit sur un point d’interrogation,
Trébucha sur une cédille,
Se raccrocha à un point de suspension,
Et plutôt mal à l’aise,
S’arrêta entre deux parenthèses.
Le point, qui ne bougeait point,
Prit un accent grave et dit à un tiret :
« Avant que je ne t’apostrophe,
Ouvre les guillemets, sinon jamais,
Cette brave virgule minuscule
Qui déambule de-ci, de-là
Ne me rattrapera » !
L’accent circonflexe,
Sans complexes,
Déclara avec un accent aigu,
Qu’ils étaient déjà trop à l’étroit,
Et qu’un de plus…
Ce à quoi le point répondit
Que puisqu’il en était ainsi,
Il ferait le trait-d’union
Et prendrait la vagabonde sous son toit.
Ce qu’il fit, ma foi, de bon cœur
Et maintenant, que vais-je faire
De ce point-virgule, dit l’auteur ?

(Renée Jeanne Mignard, « Ponctuation »)

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Laurine Tihay, BA

Laurine est titulaire d’une licence de lettres et sciences du langage. Formée à l’enseignement des langues et dotée d’une solide expérience en matière de correction éditoriale, elle est experte en grammaire et syntaxe.