Synérèse (poésie) | Définition & exemples

En linguistique, la synérèse est la prononciation en une seule syllabe de deux voyelles successives au sein d’un mot.

Synérèse def
Le mot miel et le verbe lier présentent une synérèse lorsqu’ils sont prononcés :

  • miel en une seule syllabe, au lieu de mi-el,
  • lier en une seule syllabe, au lieu de li-er.

Également utilisée en poésie, la synérèse permet de supprimer une syllabe du vers pour le raccourcir, et ainsi respecter les contraintes métriques concernant sa longueur.

Synérèse : définition linguistique

Phonétiquement, la synérèse est la fusion de deux syllabes d’un mot, en une seule. Ce phénomène a lieu à l’intérieur d’un mot, lorsque deux voyelles se suivent.

Ces voyelles, prononcées successivement, forment une diphtongue, c’est-à-dire la prononciation de deux sons vocaliques, l’un à la suite de l’autre.

Synérèse exemple
Les mots Saône et saoul sont un exemple de synérèse dans le langage courant.

  • le nom propre La Saône se prononce sône, et non « sa-ône ».
  • l’adjectif saoul se prononce sou, et non « sa-oul ».

Historiquement, la suite de lettres « a » et « ô », ou « o », était une diphtongue, prononcée successivement, en ouvrant plus largement la bouche pour le « o » que pour le « a », comme dans baobab.

Très courte, la transcription en alphabet phonétique de ces deux mots, respectivement [so:n] et [su], indique bien que leur prononciation moderne a subi une synérèse, la réduction du mot à une seule syllabe.

Aujourd’hui, les mots Saône et saoul ne présentent plus de diphtongue : elle s’est effacée, par synérèse, au profit d’une seule syllabe. La synérèse réduit phonétiquement, et non graphiquement, le nombre de syllabes d’un mot.

Synérèse et diérèse

Le phénomène phonétique inverse de la synérèse est la diérèse, qui consiste à découper une seule syllabe en deux syllabes distinctes.

Synérèse et diérèse exemple
Le mot août peut être prononcé par synérèse ou diérèse selon les locuteurs :

  • par synérèse chez les Français : une seule syllabe, prononcée out,
  • par diérèse chez les Québécois : deux syllabes, prononcées a-ou (sans « t » final).

Si de nombreux mots présentent une prononciation différente selon les variétés francophones, rares sont ceux de seulement quatre lettres qui acceptent diérèse et synérèse. D’autres n’offrent pas ce choix, peu importe leur longueur.

Synérèse obligatoire exemple
Deux des formes du verbe rire, conjugué à l’imparfait, présentent une synérèse obligatoire :

  • nous riions : prononcé ri-ions, et non « ri-i-ons »,
  • vous riiez : prononcé ri-iez, et non « ri-i-ez ».

Les terminaisons des première et deuxième personnes du pluriel, « -ion » et « -iez », impliquent une synérèse entre le « i » et les sons « on » et « ez ». On prononce obligatoirement ces terminaisons en une seule syllabe.

Par ailleurs, il y a une diérèse entre les deux « i », celui du radical et celui de la terminaison.

À l’oral, cette diérèse se prononce en allongeant le son « i », phénomène appelé allongement vocalique, plutôt qu’en marquant la diérèse par une coupure.

Diérèse et synérèse en poésie

En poésie classique, la métrique du vers contraint sa longueur à un nombre précis de syllabes. Le grand vers, l’alexandrin, présente un nombre exact de douze syllabes.

Si la diérèse permet d’ajouter des syllabes pour allonger le vers, la synérèse crée l’effet inverse et réduit sa longueur.

En poésie classique, il était plutôt d’usage de composer des vers longs, considérés plus nobles, et la synérèse a connu un succès nettement moins franc que la diérèse.

Ces deux phénomènes offrent pourtant des perspectives sonores et rythmiques complémentaires. La diérèse permet de ralentir le rythme en étirant un son sur deux syllabes, tandis que les syllabes fusionnées de la synérèse accélèrent la cadence en ne conservant qu’un seul son.

Exemple de synérèse en poésie
[…]

Voilà qu’à l’horizon s’élève une clameur ;

Elle approche, elle vient, c’est la tribu des oies.

Ainsi qu’un trait lancé, toutes, le cou tendu,

Allant toujours plus vite, en leur vol éperdu,

Passent, fouettant le vent de leur aile sifflante.

[…]

Guy de Maupassant, « Les oies sauvages », Des vers

Explication :

Pour respecter les douze syllabes de l’alexandrin, Maupassant introduit une synérèse dans le dernier vers de ce quatrain. Le mot fouettant doit être lu en deux syllabes (foue-ttant), plutôt qu’en trois (fou-e-ttant).

Associée au champ lexical de la vitesse, cette synérèse accentue la rapidité des oies en abrégeant le mot, qui claque, justement, comme un fouet. L’assonance du son vocalique « an », ainsi que l’allitération en « f » et en « s » (fouettant, vent, sifflante), renforce le caractère frénétique de leur vol.

Génie des mots, Maupassant témoigne, en un seul vers, de toute la valeur poétique de la synérèse : l’art de sublimer le fond par la forme.

Synérèse et diérèse sont avant tout des phénomènes phonétiques et montrent l’évolution de la langue au cours des siècles, conservant parfois des traces graphiques des différentes prononciations privilégiées par l’usage.

Lorsqu’ils sont utilisés pour le décompte des syllabes, ils deviennent des effets stylistiques, propres au genre poétique, mais systématiquement volontaires et artificiels, créés de toutes pièces par les poètes.

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Aude Charrin, MA

Traductrice et linguiste de formation, Aude a également enseigné le français à des jeunes en difficulté scolaire. Sa nouvelle mission : démocratiser la langue française en vulgarisant ses concepts.