Rimes embrassées | Définition & exemples
En poésie, des rimes embrassées sont des sonorités identiques qui reviennent au premier et au quatrième vers d’une strophe de quatre vers, selon le format ABBA.
Je me suis promené dans le petit jardin (B)
Qu’éclairait doucement le soleil du matin, (B)
Pailletant chaque fleur d’une humide étincelle. (A)
Rien n’a changé. J’ai tout revu : l’humble tonnelle (A)
De vigne folle avec les chaises de rotin… (B)
Le jet d’eau fait toujours son murmure argentin (B)
Et le vieux tremble sa plainte sempiternelle. (A)
[…]
Paul Verlaine, « Après trois ans », Poèmes saturniens
Comme les rimes plates ou croisées, les rimes embrassées sont un type de disposition de rimes, ou schéma de rimes, spécifique à un poème. Format privilégié du sonnet, les rimes embrassées participent grandement à la rythmique de ses quatrains.
Les rimes embrassées : définition
Toujours plurielles, les rimes embrassées présentent une double paire de sonorités identiques.
Indissociable du quatrain — puisqu’il implique mathématiquement la présence de quatre vers —, ce schéma affiche une disposition bien particulière de cette double paire de rimes.
En effet, la première des deux paires se retrouve en final du premier et du quatrième vers, encadrant ainsi la deuxième paire de rimes.
Hier s’est mise en route, emportant ses petits (B)
Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits (B)
Le trésor toujours prêt des mamelles pendantes. (A)
Les hommes vont à pied sous leurs armes luisantes (A)
Le long des chariots où les leurs sont blottis, (B)
Promenant sur le ciel des yeux appesantis (B)
Par le morne regret des chimères absentes. (A)
[…]
Charles Baudelaire, « Bohémiens en voyage », Les Fleurs du mal
Les sonorités des paires de rimes embrassées peuvent être identiques tout au long du poème ou différentes d’une strophe à l’autre.
Dans ce cas, si le format de la première strophe est noté ABBA, celui de la deuxième strophe sera noté CDDC pour différencier les rimes d’une strophe à l’autre.
Mon paletot aussi devenait idéal ; (B)
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ; (B)
Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées ! (A)
Mon unique culotte avait un large trou. (C)
– Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course (D)
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse. (D)
– Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou (C)
[…]
Arthur Rimbaud, « Ma bohème », Cahier de Douai
Toutefois, dans un style plus libre, les rimes embrassées ne sont pas exclusives aux quatrains. On peut les retrouver au sein de strophes plus longues, mais elles doivent toujours figurer en final de quatre vers successifs.
La lumière s’est faite et j’ai vu ses splendeurs ;
J’ai compris nos destins par ces ombres mobiles
Qui se peignaient en noir sur de vives couleurs. (A)
Ces feux, de ta pensée étaient les lueurs pures, (B)
Ces ombres, du passé les magiques figures, (B)
J’ai tressailli de joie en voyant nos grandeurs. (A)
Il est donc vrai que l’homme est monté par lui-même
Jusqu’aux sommets glacés de sa vaste raison,
Qu’il y peut vivre en paix sans plainte et sans blasphème,
Et mesurer le monde et sonder l’horizon. (C)
Il sait que l’univers l’écrase et le dévore ; (D)
Plus grand que l’univers qu’il juge et qui l’ignore, (D)
Le Berger a lui-même éclairé sa maison. (C)
Alfred de Vigny, « L’âge d’or de l’avenir » Autres poèmes
Dans ce poème, les rimes embrassées se retrouvent en final des quatre derniers vers de chaque strophe qui le composent. Ces strophes, au nombre de deux, sont des septains, un ensemble de sept vers.
Le statut de strophe du tercet est même contesté en raison de son nombre impair de vers, qui laisse par défaut une rime orpheline (à l’exception des tercets dits monorimes, partageant la même sonorité).
Certains poètes et spécialistes considèrent le tercet comme un simple groupement de trois vers, identifiable par son isolement typographique. Autrement dit, il est toujours précédé et suivi d’un saut de ligne.
Aussi, il n’est pas rare de trouver des sonnets qui tolèrent le sizain, la strophe de six vers, en lieu et place des deux tercets finaux qui le composent normalement. La disposition des rimes est donc fluctuante : on retrouve le format CCDEED, issu du modèle italien, autant que le modèle CCDEDE, qui s’impose au XVIIe siècle.
Bien que techniquement le format italien présente la succession de deux rimes plates et de quatre rimes embrassées, il n’est pas d’usage dans l’art poétique de considérer les vers du sizain, ou des deux tercets, selon un schéma de rimes spécifiques.
Questions fréquentes sur les rimes embrassées
- Des rimes embrassées, c’est quoi ?
-
Des rimes embrassées sont une disposition spécifique des rimes au sein d’un poème.
Ce format est noté ABBA, car le premier vers de la strophe rime avec le dernier, encadrant ainsi les deux vers du milieu, dont les rimes sont différentes.
- Comment appelle-t-on des rimes embrassées en anglais ?
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En anglais, les rimes embrassées sont appelées « enclosed rhyme » et correspondent au même format, soit ABBA.