« Malgré que » : faute ou non ?

La dernière fois que vous avez prononcé « Malgré que » à la place de Bien que ou Malgré le fait que, vous avez peut-être eu droit à des regards réprobateurs. En cause : la faute de langage et de syntaxe que cette locution conjonctive erronée constitue.

Pourtant, aussi surprenant que cela puisse paraître, « Malgré que » n’a pas toujours été incorrect… Explications.

« Malgré que » : exemple
  • Malgré que j’aie pris scrupuleusement mon traitement, je me sens toujours patraque.

L’emploi de « Malgré que » pour exprimer la concession est désormais incorrect en français.

On lui préfèrera Bien que ou Malgré le fait que, deux synonymes de « Malgré que » très accessibles.

  • Bien que j’aie pris scrupuleusement mon traitement, je me sens toujours patraque.
  • Malgré le fait que j’ai pris scrupuleusement mon traitement, je me sens toujours patraque.

Pourquoi ne dit-on pas « Malgré que » ?

On a beau entendre régulièrement qu’il s’agit d’une faute, « Malgré que » est encore largement utilisé par les médias et dans des courriers formels comme un synonyme de Bien que. Pourtant, son usage dans ce contexte est la plupart du temps erroné.

Pourquoi la plupart du temps ? Car, en réalité, « Malgré que » a bien existé en tant que locution, au sens de « à contrecœur », mais on ne l’emploie plus dans ce contexte.

Dans son emploi actuel, la locution « Malgré que » ne peut être employée qu’avec le verbe avoir et au subjonctif.

Pour tous les autres cas, « Malgré que » en tant que conjonction de subordination doit être proscrit.

La position de l’Académie française sur « Malgré que »
L’Académie française a une position très claire à ce sujet : seule l’utilisation de « malgré que » avec le verbe avoir conjugué au subjonctif est tolérée, bien qu’elle ne le recommande pas dans un contexte moderne.

Avec tous les autres verbes (être, dire, faire…), y compris lorsqu’ils sont conjugués au mode subjonctif, l’usage de « Malgré que » est formellement proscrit.

Notre conseil
Pour éviter les confusions, et car nous entendons tout et son contraire à ce sujet, nous ne vous recommandons pas d’utiliser « Malgré que » en tant que conjonction de subordination, y compris avec le verbe avoir, car cela peut tout de même être perçu comme une faute par votre interlocuteur.

À la place, vous pouvez utiliser des synonymes tout aussi pertinents et moins sujets à controverse.

Par quoi remplacer « Malgré que » ?

Si l’utilisation de « Malgré que » est délicate, voire proscrite, comment l’éviter sans devoir passer des informations sous silence ?

Nous avons trois alternatives à vous conseiller en particulier.

Malgré le fait que

Malgré le fait que est l’alternative la plus naturelle et instinctive à « Malgré que ».

En ajoutant un nom derrière Malgré, la locution devient correcte sur le plan de la grammaire et peut être utilisée devant tous les verbes compatibles, et pas seulement avoir.

De plus, elle peut être suivie aussi bien d’un verbe à l’infinitif qu’au subjonctif ; de quoi limiter les possibilités d’erreurs.

Malgré le fait que : subjonctif ou indicatif
  • Malgré le fait que + indicatif
  • Malgré le fait que + subjonctif
Malgré le fait que : exemple
  • Malgré que j’ai plongé la tête la première, mes pieds ont été les premiers à toucher le sol de la piscine.
  • Malgré le fait que j’ai plongé la tête la première, mes pieds ont été les premiers à toucher le sol de la piscine.
  • Malgré le fait que j’aie plongé la tête la première, mes pieds ont été les premiers à toucher le sol de la piscine.

Bien que

Conjonction de subordination bien connue, Bien que est aussi un synonyme pertinent de Malgré que.

Une difficulté cependant : on doit toujours la faire suivre d’un verbe au subjonctif.

Bien que : subjonctif ou indicatif
  • Bien que + indicatif
  • Bien que + subjonctif
Bien que : exemple
  • Bien que j’ai plongé la tête la première, mes pieds ont été les premiers à toucher le sol de la piscine.
  • Bien que j’aie plongé la tête la première, mes pieds ont été les premiers à toucher le sol de la piscine.

Malgré + nom

Cette troisième solution nécessite de reformuler légèrement plus la phrase initiale que les deux premières.

Malgré étant une préposition, elle doit, selon les règles de la grammaire, être suivie d’un nom ou d’un pronom. Or, « que » est une conjonction, ce qui explique que « Malgré que » soit considéré comme étant une locution abusive.

Ainsi, il suffit de reformuler la phrase initialement composée avec « Malgré que » pour faire en sorte d’obtenir l’équivalent correspondant à Malgré + nom.

Malgré : exemple
  • Malgré que j’ai plongé la tête la première, mes pieds ont été les premiers à toucher le sol de la piscine.
  • Malgré un plongeon la tête la première, mes pieds ont été les premiers à toucher le sol de la piscine.

« Malgré que » en littérature

Puisque « Malgré que » a malgré tout été employé en tant que locution conjonctive pendant un certain temps avant que son usage soit jugé maladroit puis incorrect, il existe de nombreux exemples de son utilisation dans la littérature, en particulier dans des textes anciens écrits dans un registre soutenu.

Malgré que : exemples littéraires
  • Il a fait beau et clair, même il faisait déjà presque chaud, malgré qu’à ces hauteurs les matinées ordinairement soient assez fraîches.
    (Charles Ferdinand Ramuz, La Grande Peur dans la Montagne)
  • Il faut bien que je vous aime, malgré que j’en aie, car, depuis que vous m’avez quittée, je ne sais ce que j’ai.
    (Prosper Mérimée, Carmen)
  • Quand j’les ai vus attigés, je me suis levé − malgré qu’on m’gueulait : « Couche-toi ! ».
    (Henri Barbusse, Feu)

Questions fréquentes sur Malgré que

Est-ce que Malgré tout est la même chose que « Malgré que » ?

Si « Malgré que » est une locution conjonctive dont l’usage est fautif, ce n’est pas le cas de Malgré tout, qui est un adverbe courant, synonyme de « Quoi qu’il en soit » ou « De toute façon ».

  • Je dirai malgré tout que cette vie fut belle

(titre de l’autobiographie de Jean d’Ormesson)

On retrouve également Malgré tout sous la forme de deux adverbes dissociés, assemblés pour les besoins syntaxiques de la phrase.

  • Malgré tout l’intérêt que présente votre candidature et l’excellence de votre lettre de motivation, nous avons décidé d’attribuer le poste à un candidat en interne.
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Laurine Tihay, BA

Laurine est titulaire d’une licence de lettres et sciences du langage. Formée à l’enseignement des langues et dotée d’une solide expérience en matière de correction éditoriale, elle est experte en grammaire et syntaxe.