Théâtre de l’absurde | Origine et définition
Dans la tradition théâtrale française, le théâtre de l’absurde est un type de dramaturgie qui se distingue par l’absence totale de trame narrative. Plus qu’un genre ou qu’un courant intellectuel, ce « nouveau théâtre » rompt radicalement avec le réalisme du romantisme.
Désabusés par un demi-siècle de violence, les auteurs du théâtre de l’absurde, à la suite des surréalistes, ont cherché à rendre compte, chacun à leur manière, de l’absurdité de la vie et de l’inanité de l’être humain. Métaphorique par essence, le théâtre de l’absurde n’est pas simplement le contraire de la raison ou de la logique, il est avant tout le contraire du théâtre…
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De fait, utiliser la technologie dans le but de témoigner de l’absurdité de l’Homme semble d’une ironie toute indiquée pour faire écho au paradoxe du théâtre contemporain.
Théâtre de l’absurde : origine et définition
Le théâtre de l’absurde n’est à proprement parler ni un courant ni un genre théâtral. Il revendique une telle rupture avec toutes les conventions et les formes, traditionnelles ou non, qu’il se rapproche davantage d’un anti-théâtre.
Les premières pièces de ce théâtre de l’absurde apparaissent au tournant du XXe siècle, après plus de cinq décennies de conflits politiques, idéologiques et sociaux. Diverses crises économiques et deux guerres mondiales ont profondément marqué la société et modifié les mentalités.
Toutes les formes d’art marquent ce changement de paradigme, que ce soit le surréalisme littéraire, le cubisme pictural ou le dadaïsme poétique. Les artistes, en observateurs d’une société civile déconstruite, témoignent du chaos ambiant par la décomposition systématique des structures établies.
Le théâtre de l’absurde s’inscrit dans ce mouvement artistique général, celui de la représentation d’un monde disséqué et réduit à néant par la folie des Hommes. Une représentation purement métaphorique, à l’opposé du froid réalisme d’un demi-siècle saturé de douleur, de souffrance et d’anéantissement.
Dramaturge irlandais, Samuel Beckett est l’auteur le plus connu de ce théâtre de l’absurde, grâce notamment à la pièce En attendant Godot. Combinant farce et tragédie, Beckett montre un certain pessimisme à l’égard de l’Homme et une grande dérision face à sa médiocrité.
Eugène Ionesco, de son nom roumain Eugen Dimitri Ionescu, repousse lui aussi les frontières du sens, que ce soit celui des mots ou de la vie. Ses pièces, qu’il veut insolites, ne sont pas totalement illogiques ; elles sont simplement dépossédées de leur finalité théâtrale au moyen d’une mécanique qui n’est pas celle attendue.
Français d’origine russo-arménienne, Arthur Adamov s’inspire lui des surréalistes pour offrir des pièces nettement plus politiques que ses contemporains. Dans Le Ping-Pong, Adamov fait le procès d’une petite bourgeoisie vénale, illusionnée d’ambitions pécuniaires, et parfaitement asservie au capitalisme.
De tous les dramaturges francophiles ayant enrichi le théâtre de l’absurde, aucun ne s’en est pourtant revendiqué. Chacun à leur manière, ils en ont rejeté l’étiquette, jugée trop réductrice ou péjorative. Un théâtre absurde s’il en est, et certainement pas à une contradiction près…
Théâtre de l’absurde : caractéristiques
Anti-théâtre par nature, le théâtre de l’absurde s’oppose diamétralement au théâtre classique. Si le théâtre est l’art de la mise en action d’un récit, la dramaturgie de l’absurde est l’absence de récit, d’intrigue et d’actions.
À l’instar de l’Homme, les protagonistes évoluent dans un monde vide de sens. Ils sont condamnés à le comprendre et à l’appréhender dans toute son insignifiance, amplifiée par l’inutilité de l’existence.
La futilité de la vie et de la condition humaine empêche toute trame narrative. Puisque la vie ne vaut pas la peine d’être vécue, aucune histoire ne vaut la peine d’être racontée. C’est ce manque de signification, ce non-sens de l’existence que révèle la vacuité narrative du théâtre de l’absurde.
Les personnages n’ont aucune personnalité, aucun attribut psychologique. Le spectateur ignore tout d’eux, jusqu’à leur véritable nom. Souvent désignés par des patronymes ou des surnoms, ce sont de véritables anonymes, déconcertants de banalité : ils sont tout le monde et personne à la fois.
Les lieux sont également peu spécifiques ; le décor est minimaliste, voire absent ; seuls quelques éléments induisent une notion d’espace. Là encore, l’action pourrait avoir lieu n’importe où, en particulier dans un ailleurs métaphorique, un lieu hors d’atteinte, au-delà de notre compréhension sensible du monde.
Le langage joue aussi un rôle de déconstruction essentiel : la communication entre les personnages est rompue par des dialogues décousus, aux répliques vides de sens.
Les conversations ne sont qu’une suite d’expressions figées mises bout à bout pour dénoncer l’instrumentalisation du langage et son pouvoir de manipulation.
M. SMITH, toujours dans son journal. — Tiens, c’est écrit que Bobby Watson est mort.
Mme SMITH. — Mon Dieu, le pauvre, quand est-ce qu’il est mort ?
M. SMITH. — Pourquoi prends-tu cet air étonné ? Tu le savais bien. Il est mort il y a deux ans. Tu te rappelles, on a été à son enterrement, il y a un an et demi.
Mme SMITH. — Bien sûr que je me rappelle. Je me suis rappelé tout de suite, mais je ne comprends pas pourquoi toi-même tu as été si étonné de voir ça sur le journal.
M. SMITH. — Ça n’y était pas sur le journal. Il y a déjà trois ans qu’on a parlé de son décès. Je m’en suis souvenu par associations d’idées !
Mme SMITH. — Dommage ! Il était si bien conservé.
M. SMITH. — C’était le plus joli cadavre de Grande-Bretagne ! Il ne paraissait pas son âge. Pauvre Bobby, il y avait quatre ans qu’il était mort et il était encore chaud. Un véritable cadavre vivant. Et comme il était gai !
Mme SMITH. — La pauvre Bobby.
M. SMITH. — Tu veux dire « le » pauvre Bobby.
Mme SMITH. — Non, c’est à sa femme que je pense. Elle s’appelait comme lui, Bobby, Bobby Watson. Comme ils avaient le même nom, on ne pouvait pas les distinguer l’un de l’autre quand on les voyait ensemble. Ce n’est qu’après sa mort à lui, qu’on a pu vraiment savoir qui était l’un et qui était l’autre. Pourtant, aujourd’hui encore, il y a des gens qui la confondent avec le mort et lui présentent des condoléances. Tu la connais ?
M. SMITH. — Je ne l’ai vue qu’une fois, par hasard, à l’enterrement de Bobby.
Mme SMITH. — Je ne l’ai jamais vue. Est-ce qu’elle est belle ?
M. SMITH. — Elle a des traits réguliers et pourtant on ne peut pas dire qu’elle est belle. Elle est trop grande et trop forte. Ses traits ne sont pas réguliers et pourtant on peut dire qu’elle est très belle. Elle est un peu trop petite et trop maigre. Elle est professeur de chant.
[…]
(Extrait de La Cantatrice chauve, Eugène Ionesco, acte I, scène 1, 1950)
Explication :
Huée par le public et démolie par la critique, La Cantatrice chauve est loin de faire l’unanimité lors de sa première, le 11 mai 1950, au théâtre des Noctambules.
Choqués, les spectateurs pensent à une mauvaise blague : plus d’une heure de représentation pour écouter deux couples de petits bourgeois, les Smith et les Martin, débiter des contradictions insensées et d’aberrantes invraisemblances.
Dans un simulacre de péripéties, Ionesco démontre la capacité du langage à pouvoir exister en dehors de tout contexte. Ce décalage participe au comique de mots et de situation et expose les engrenages d’une machine théâtrale qui tourne à vide.
Expressions figées et phrases toutes faites s’organisent dans un étrange ballet entre des personnages n’ayant pas grand-chose à dire ni à se dire. Symboles de la communication et de ses manques, allégories du langage et de ses abus, les mots de Ionesco empêchent plus qu’ils ne facilitent l’échange.
Ils ne sont plus les répliques d’un dialogue, mais les actes manqués de personnages incapables de se comprendre, ignorant eux-mêmes leur propre impuissance à comprendre l’autre.
Les fondements de la communication ainsi ébranlés, difficile de croire à la possibilité d’une bonne entente, qu’elle soit maritale, familiale ou sociétale. Le langage est une arme, et Ionesco a fait du théâtre de l’absurde son inépuisable arsenal.
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Charrin, A. (2025, 26 August). Théâtre de l’absurde | Origine et définition. Quillbot. Date : 10 octobre 2025, issu de l’article suivant : https://quillbot.com/fr/blog/theatre/theatre-de-l-absurde/