Le narrateur, ni auteur ni simple personnage

Derrière une histoire écrite, on identifie généralement sans trop de peine l’auteur et les personnages, qu’ils soient protagonistes ou secondaires. Mais savez-vous qu’il existe une troisième instance, sans laquelle le récit ne pourrait exister et se tenir ?
Cette tierce entité, c’est le narrateur.

Qui est le narrateur dans Manon Lescaut ?
Le roman-mémoires de l’abbé Prévost, Manon Lescaut, publié pour la première fois en 1731, est une œuvre littéraire à tiroirs.
Il possède ainsi deux narrateurs distincts : M. de Renoncourt et, dans une moindre mesure, le Chevalier des Grieux, qui devient narrateur lorsqu’il raconte sa propre histoire à Renoncourt, et notamment son histoire d’amour avec Manon Lescaut.
Ces deux narrateurs sont des personnages à part entière de l’histoire qui est racontée ; on parle alors de narrateurs-personnages, au pluriel.
Car, oui, un même récit peut avoir plusieurs narrateurs.

Identifier un narrateur (ou des narrateurs, s’ils sont plusieurs) semble chose aisée à première vue, mais attention aux conclusions trop hâtives…
Le narrateur n’est pas celui qui écrit l’histoire ; il est celui qui la raconte. De ce fait, il est celui par qui s’incarne, se dessine la narration, pas celui qui la décide et la contrôle.
La subtilité est fine, et pourtant, la différence est majeure.

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On l’oublie souvent en tant que lecteur : écrire est une vaste entreprise, passionnante mais semée d’obstacles, et surtout, de raisons de lâcher la rampe en cours de route.
En effet, votre cerveau, qui redoute plus que tout de sortir de sa zone de confort, fera tout pour vous détourner de votre projet de roman ou de nouvelle en braquant vos projecteurs internes sur la moindre difficulté que vous pourriez rencontrer.
Heureusement, il existe des astuces pour dissiper vos doutes, et surmonter votre syndrome de l’imposteur une bonne fois pour toutes.

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Qu’est-ce qu’un narrateur ?

Le narrateur, c’est celui qui raconte une histoire. Ainsi, il est celui qui relate et décrit les faits qui tissent l’intrigue.

Exemple de narrateur
« J’ai seize ans. Je suis né avec le siècle.

[…]

Et pourtant, je ne sais pas ce que c’est la guerre. Je vis à Paris. Je suis élève au lycée Louis-le-Grand. J’ai seize ans.

On dit de moi : cet enfant est superbe. Regardez-le : vraiment, il est superbe. Des cheveux noirs. Des yeux verts en amande. Une peau de fille. Je dis : ils se trompent, je ne suis plus un enfant.

J’ai seize ans et je sais parfaitement ça, que d’avoir seize ans, c’est un triomphe. »

(Philippe Besson, En l’absence des hommes)

Analyse :

Telles sont formulées les premières lignes du roman de Philippe Besson.
Grâce à l’usage d’un Je fort, très présent dans le texte, on comprend d’emblée que l’on a affaire à un narrateur interne, qui nous raconte lui-même la façon dont on le perçoit, l’établissement scolaire prestigieux qu’il fréquente, l’âge qu’il a et l’assise qu’il pense avoir sur le monde grâce à celui-ci (un sentiment purement subjectif), etc.

N. B. : Dès le deuxième chapitre, qui commence en ces lignes « C’est l’été, quand je vous rencontre. Ce que je pense d’abord de vous, c’est : il est vieux, il a trente ans de plus que moi. Je n’ai rien à vous dire. », ce narrateur interne demeure le même, mais la personne narrative s’étoffe : on comprend que l’on a affaire à un récit écrit au point de vue interne et à la deuxième personne du singulier, un choix rare et audacieux en littérature, qui flirte avec le tout aussi audacieux roman épistolaire.
Le narrateur s’adresse en fait à travers ce texte intimiste à un autre personnage de l’histoire : son amant.

Le choix de Philippe Besson aurait pu être tout autre.
En effet, un narrateur peut avoir différents statuts dans l’histoire : il peut être extérieur au récit, ou bien partie intégrante de celui-ci, en qualité de personnage.

Narrateur du Petit Prince
Le narrateur du Petit Prince n’est autre qu’un aviateur qui, après être tombé en panne en plein milieu du Sahara, rencontre un enfant qui entame le récit de sa vie en même temps qu’il tente de réparer son avion.
Cet aviateur raconte l’histoire et la rapporte au lecteur par le biais de l’usage de la première personne, ce qui rend son identification en tant que narrateur assez aisée.

Extrait :

« J’ai ainsi vécu seul, sans personne avec qui parler véritablement, jusqu’à une panne dans le désert du Sahara, il y a six ans. Quelque chose s’était cassé dans mon moteur. »

(Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince)

En tant que lecteur confronté à un texte narratif – soit un roman, une nouvelle, ou un conte –, on identifie la position du narrateur en se demandant : « Qui parle ? Sous le point de vue de quel personnage ou de quelle entité extérieure l’histoire nous est-elle rapportée ? ».

Narrateur : exemple
« Ben Ross était préoccupé. Il n’aurait su dire pourquoi, mais les questions de ses élèves après le documentaire avaient soulevé de nombreuses interrogations. Pourquoi avait-il été incapable de leur donner des réponses satisfaisantes ? Le comportement de la majorité des Allemands sous le régime nazi était-il si inexplicable ?
Cet après-midi-là, avant de quitter le lycée, le professeur avait emprunté une quantité incroyable de livres à la bibliothèque. Comme sa femme, Christy, passait la soirée au tennis avec des copines, il avait pu disposer d’un long moment de réflexion. »

(Todd Strasser, La Vague)

Analyse :

Ce passage se concentre sur le personnage de Ben Ross, le professeur.
Deux choses excluent d’emblée l’hypothèse d’un récit par un narrateur interne ici : le fait que le personnage mis en avant ne parle pas de lui-même à la première personne, alors qu’il semble pourtant pouvoir lire dans ses pensées.
Le narrateur ne semble donc pas être Ben Ross, mais pour autant, il l’observe et sait tout de ses faits et gestes… comme de ses débats intérieurs.
Il s’agit par conséquent à première vue d’un narrateur omniscient, ce que confirme le reste de la novella (= terme désignant un court roman) dans son ensemble, en ce qu’elle pénètre tour à tour dans les réflexions d’autres personnages.

Narrateur « interne » dans En l’absence des hommes et Le Petit Prince, narrateur « omniscient » pour La Vague : cela ne vous fait-il pas penser à quelque chose ?
En termes de technique scénaristique ou de narratologie, le narrateur est bien sûr étroitement lié au point de vue, qu’on appelle également focalisation narrative. Toutefois, attention à ne pas confondre les deux terminologies.

Important
Là où le narrateur est la voix qui raconte l’histoire, le point de vue est la perspective qu’adopte ce narrateur pour faire découvrir l’histoire au lecteur.
Ainsi, le point de vue adopté dépend du type de narrateur choisi.

Le cas du récit à narrateurs multiples

Par abus de langage – ou volonté de simplifier des considérations techniques déjà complexes –, on parle du narrateur d’un récit.
Pourtant, bon nombre de textes provenant de tous les genres littéraires et de toutes les époques présentent plusieurs narrateurs.

En effet, de la même manière que plusieurs focalisations peuvent se mélanger et alterner au sein d’une seule et même histoire, plusieurs narrateurs peuvent partager l’affiche au sein du même récit.
On parle alors de roman choral, ou roman polyphonique.
Il existe alors deux cas de figure majeurs :

  • plusieurs narrateurs du même type (typiquement, plusieurs narrateurs étant des personnages du récit) donnent leur point de vue sur l’histoire en alternance,
  • l’auteur fait s’exprimer tantôt un narrateur omniscient, tantôt un narrateur interne ; l’alternance de ces deux types de narration permet alors de combler les vides et les faiblesses que présente chacun d’eux, tout en jouissant de tous les atouts qu’ils offrent.
Narrateur multiple : exemple
Le roman dystopique young-adult Absolu : Les Mobilisés de Margot Dessenne présente l’histoire sous de nombreux points de vue, plus nombreux que la moyenne des romans en tout cas. En fait, chacun des protagonistes devient narrateur à son tour, au fur et à mesure que l’on avance dans le récit, pour apporter sa pierre à l’édifice et sa vision de l’univers dépeint.
Une multiplicité de narrateurs saluée par certains lecteurs… et mal reçue par d’autres.

En faisant le choix d’un récit à narrateurs multiples, l’auteur élargit considérablement son champ des possibles… tout en se compliquant la tâche.
Passer d’un point de vue à l’autre requiert en effet une maîtrise narrative solide, qui passe entre autres par la connaissance des tenants et des aboutissants de chaque type de narrateur dont un auteur peut user au sein d’un texte.

Les types de narrateurs

On distingue, en fonction des perspectives qu’ils adoptent, trois grands types de narrateurs :

  • le narrateur interne,
  • le narrateur externe,
  • le narrateur omniscient.

Le narrateur interne

Le narrateur interne raconte l’histoire en adoptant le point de vue d’un personnage en particulier.
Le lecteur accède via son regard – forcément empreint de subjectivité – à l’intrigue et aux péripéties qu’elle développe, que le narrateur décrit sous l’influence de ses sentiments, de ses sensations et de son vécu.

Le narrateur interne, puisqu’il est forcément partie prenante de l’histoire, est aussi appelé narrateur-personnage.

Narrateur interne : exemple
« Je furetai dans l’appartement, par précaution, puis retrouvai ma position de réflexion. Mon cœur battait un peu plus vite dans ma poitrine, mon front libérait la chaleur de mon corps. Quant à mes doigts… Je les glissai entre mes jambes… Puis je démarrai les trains électriques, bien plus bruyants que les vapeurs vives. Ce chahut coutumier me rassura.
Je me replongeai dans le texte gravé en haut de la nef, en isolai le dernier point obscur. Alors, au son de la trompette, le fléau se répandra et, sous le déluge, tu reviendras ici, car tout est dans la lumière. Ma langue s’enroula sur mes lèvres. C’était subtil, très subtil. Effectivement, tout était dans la lumière. Celle qui m’avait permis de trouver, sous le Déluge, les cinquante-deux identités. »

(Franck Thilliez, Deuils de miel)

Le narrateur interne peut raconter l’histoire à la première personne (c’est le fameux « Je » narratif), mais également à la deuxième et la troisième personne (on parle dans ce dernier cas plus communément de troisième personne focalisée).

Le narrateur externe

Un narrateur externe raconte l’histoire… sans en faire partie.
Son récit se limite à de la description factuelle, puisqu’il n’est ni partie prenante de l’histoire ni sachant absolu. Il ne peut pénétrer la psyché des personnages qu’il observe, et ne sait rien de leur vécu, hormis ce qui a pu être dit de leurs bouches alors qu’il les écoutait.

Sa plus grande faiblesse est aussi son point fort : il est le seul narrateur qui soit absolument neutre, objectif par nature.

Narrateur externe : exemple
« Ils eurent un repas de fête devant le feu, une boîte de haricots chacun, des patates sautées et un litre de whisky à partager, assis le dos appuyé à une bûche, chauffant les semelles de leurs bottes, se passant la bouteille pendant que le ciel lavande se vidait de sa couleur et que l’air froid tombait, buvant, fumant cigarette sur cigarette, se levant de temps à autre pour pisser, regardant la lueur du feu pailleter le jet arqué, ajoutant des branchages dans le foyer pour poursuivre la conversation, parlant de chevaux et de rodéo, d’accidents et de blessures, du sous-marin Thresher coulé deux mois plus tôt avec tout son équipement et de ce qu’avaient dû être les dernières minutes, des chiens qu’ils avaient eus et connus, de la conscription, du ranch natal de Jack où son père et sa mère tenaient toujours le coup, de la ferme familiale d’Ennis abandonnée après la mort de ses parents, le frère aîné installé à Signal et une sœur mariée à Casper. »

(Annie Proulx, Brokeback Mountain)

Le narrateur externe s’exprime toujours par le biais du point de vue externe, et de la troisième personne narrative.
Il est toutefois largement dominé par les deux autres types de narrateurs en termes d’occurrences, d’autant plus de nos jours où les récits narratifs reposent sur une forte identification aux personnages pour capter l’attention du lecteur.
Il est par ailleurs très rare qu’un récit tienne de bout en bout grâce à un narrateur externe seul.

Le narrateur omniscient

Le narrateur omniscient, aussi parfois appelé narrateur-Dieu (ce qui en dit déjà long sur son statut…), sait absolument tout de tous les personnages. Cela inclut leur présent, mais également leur passé et leur futur.
Il est une sorte d’œil magique pointé sur l’ensemble des décors, qui plane au-dessus de chaque personnage. Il est capable de pénétrer le cerveau d’un protagoniste pour capter ses pensées, puis de partir butiner la matière grise et le cœur de son voisin la minute d’après sans aucun état d’âme…

User d’un narrateur omniscient permet au lecteur de connaître des informations que les personnages eux-mêmes ignorent. De par ce « superpouvoir », l’auteur qui l’emploie peut en profiter pour instaurer un effet de connivence avec le lecteur, lui distillant des indices capitaux qui lui donnent alors l’impression d’avoir une longueur d’avance sur les personnages.
Auteur et lecteur sont alors « de mèche », et il s’agit d’une expérience de lecture tout à fait grisante.

Narrateur omniscient : exemple
« Le nez dans son portable, Coline ne parla pas durant tout le retour. Elle semblait observer le monde sur son écran, dans des recoins où le regard de Sacha ne porterait jamais, absorbée par cet univers qui lui échappait et qu’il ne voulait pas connaître. Un cloaque sans intérêt. Une ruelle sombre où s’entassaient toutes les immondices, tout ce que nos inconscients ne pouvaient pas digérer et qui suintait de nos fantasmes les plus abjects. Il refusait de s’y égarer.
— J’ai trouvé.
Coline releva la tête. »

(Christophe Molmy, Tout brûler)

Commentaire :

Le narrateur est identifié comme omniscient, car il pénètre l’intériorité d’au moins deux personnages simultanément : Coline et Sacha.
Cela exclut donc la possibilité d’un narrateur interne dissimulé derrière une troisième personne focalisée.

À moins d’être doté de la faculté de télépathie dans un univers magique, un personnage en particulier ne saurait camper le rôle du narrateur omniscient.
Celui-ci s’exprime donc toujours par le biais de la troisième personne narrative, et jamais à la première personne, laquelle lui ôterait, de par le fait, ce statut de mystérieuse entité toute-puissante qui surplombe l’histoire.

Auteur débutant, gare à ce piège fréquent
Choisir le bon narrateur pour son récit est capital, mais étoffer votre voix d’auteur, votre style et votre vocabulaire l’est tout autant. User de mots compliqués pour faire étalage de toutes vos connaissances langagières est bien évidemment à proscrire… ce qui ne veut pas dire que vous ne devez pas varier votre lexique.
Les verbes de parole, par exemple, ne sauraient se limiter à Dire, au risque d’ennuyer très vite le lecteur avec trop de répétitions. Pour diversifier vos incises, pourquoi ne pas faire appel à une liste des synonymes de Dire ? Une façon comme une autre de reformuler votre texte

Le narrateur, une instance du récit parmi deux autres

Là où le narrateur est la voix qui raconte l’histoire, cette histoire a également besoin d’un marionnettiste pour tisser et tirer les fils, ainsi que de comédiens pour s’incarner.
C’est là qu’entre en jeu le système tripartite des instances narratives, incarné par trois entités distinctes :

  • les personnages, qui subissent ou provoquent, de par leurs actions ou leurs inactions, les événements relatés par le récit,
  • le narrateur, qui, grâce à la narration, rend compte de l’histoire de l’intérieur (lorsqu’il est externe) ou de l’extérieur (lorsqu’il est externe ou omniscient),
  • l’auteur, qui écrit l’histoire, tire les ficelles et agit sur les destins des personnages tel un marionnettiste.

Lorsque le narrateur est interne, il est également un personnage de l’histoire.
Sinon, il est extérieur à elle.

Bon à savoir
Lorsque le narrateur est un personnage de l’histoire, il n’est pas forcément le personnage principal, ou le personnage le plus important. Cela peut tout à fait être un personnage secondaire.
Par exemple, dans le classique de la littérature américaine Gatsby le Magnifique de Francis Scott Fitzgerald, le personnage principal de l’histoire est Jay Gatsby. Pourtant, c’est bien le personnage de Nick Carraway, son tout nouveau voisin, qui campe le rôle du narrateur, et prête sa voix, subjuguée par le contraste entre le faste de la vie de Gatsby et le chagrin intérieur qui le dévore, au récit.

Quant à l’auteur, il peut être le narrateur… Dans un cas de figure très particulier seulement. En dehors de celui-ci, auteur et narrateur sont deux entités distinctes et ne sauraient être confondus, sous peine de se méprendre sur l’intention littéraire du récit.

De l’absolue nécessité de ne pas confondre auteur et narrateur

Le seul cas dans lequel auteur et narrateur ne font qu’un, c’est celui de l’autobiographie.

Exemples d’autobiographie
Dans Une vie, Simone Veil se raconte à la première personne, tandis que dans Devenir, l’ex-Première Dame des États-Unis Michelle Obama fait de même et retrace sa vie, de sa prime enfance au moment où elle a abandonné la Maison-Blanche après la première élection de Donald Trump.

L’écrasante majorité des autobiographies sont écrites à la première personne. Ce n’est pas le cas de Rubiel e(s)t moi de Vincent Lahouze, dont l’auteur a fait le choix de se raconter à la troisième personne, non par prétention ou royalisme, mais pour parler d’une partie de sa vie qu’il estime révolue depuis qu’il a changé jusqu’à son identité. Ainsi, l’effet de surprise est d’autant plus fort pour le lecteur, qui ne devine pas forcément tout de suite à quel point auteur, narrateur et personnage principal sont liés.

Hormis le cas de l’autobiographie, il existe une autre situation, davantage sujette à polémique, où auteur et narrateur peuvent être envisagés telles deux instances jumelles : l’autofiction, un genre littéraire dans lequel un auteur se met en scène tel un personnage d’un récit, et qui se distingue de l’autobiographie de par le fait que tout ou partie des faits relatés sont fictionnels.

D’aucuns considèrent alors que l’auteur et le narrateur sont la même entité, tandis que d’autres partent du principe que le narrateur est un double fictionnel de l’auteur, et donc un personnage qui lui est très proche… mais pas tout à fait lui. Le narrateur devient une version annexe de l’auteur, qui n’est plus l’auteur lui-même. D’où le fait que comparer l’autofiction à un récit autobiographique fasse polémique…

Cependant, dans toutes les autres configurations, il n’y a aucun doute : auteur et narrateur sont à distinguer… car, dans le cas de la fiction, celui qui écrit l’histoire n’est pas celui qui la raconte.
Et si l’auteur a tout pouvoir sur le narrateur, ce dernier n’a aucune prise sur le premier, son créateur…

Narrateur vs Auteur
Dans La Daronne, de Hannelore Cayre, l’autrice raconte l’histoire de Patience Portefeux, une traductrice au ministère de la Justice, mère de famille et fiancée à un policier, qui devient dealeuse par un concours de circonstances.
Hannelore Cayre est autrice de roman noir à la scène, et avocate pénaliste à la ville.
Alors que la narration à la première personne induit le fait que Patience est à la fois le personnage principal du récit et la narratrice, Hannelore n’est pas Patience, et Patience n’est pas Hannelore.
Ainsi, alors que personnage et narratrice se confondent, narratrice et autrice restent distantes.
Sinon, Hannelore Cayre, de par les confessions qu’elle ferait dans ce roman, aurait donné sur un plateau à la police et à son employeur de quoi passer quelques années derrière les barreaux, vu l’ampleur des exploits de Prudence… En tant qu’autrice, Hannelore Cayre se met simplement à la place d’un personnage inventé, dont elle a construit de toutes pièces la personnalité, soit entièrement soit en s’appuyant sur des personnes et des faits réels. C’est le propre de la fiction.

Cette distinction devient encore plus évidente quand le personnage principal et narratrice du Chant de Dolorès, roman initiatique de Wally Lamb, est une jeune adolescente, puis jeune fille, complexée et mal dans sa peau… inventée par un homme âgé.
Et on compte des centaines de milliers d’exemples comme celui-ci. Car la fiction, c’est aussi l’occasion pour un lecteur, mais aussi pour un auteur, de se glisser dans la peau d’un autre, quand bien même celui-ci serait aux antipodes de ce qu’il est.

La confusion est d’autant plus fréquente lorsque le narrateur est interne, et que la première personne est de mise.
Il est important de comprendre que le narrateur, qui n’est qu’une construction littéraire, n’existe que pour les besoins de l’histoire, alors que l’auteur, lui, subsiste bel et bien en dehors d’elle, de la même façon qu’un comédien ne meurt pas ou ne se met pas en veille lorsqu’il quitte la scène ou sort du champ de la caméra. L’auteur est une personne réelle, douée d’une vie très différente (souvent moins trépidante et dramatique, il faut le dire…) du narrateur auquel il prête sa plume.
Le narrateur, lui, se cantonne à une voix fictive, aussi prégnante soit-elle. Et si vous avez du mal à accepter son caractère fictif, monté de toutes pièces, tant elle vous semble incarnée et crédible, quasi vivante en somme, alors c’est que l’auteur a rempli sa mission…

Ce qu’il faut retenir
  • Un récit s’appuie sur trois instances narratives distinctes : l’auteur, le narrateur et les personnages.
  • Le narrateur, c’est celui qui raconte l’histoire.
  • Il existe trois types de narrateurs (étroitement liés aux trois types de points de vue narratifs) : le narrateur interne, le narrateur externe et le narrateur omniscient.
  • Le narrateur interne peut s’exprimer à la première, à la troisième, ou même à la deuxième personne, quand les narrateurs externe et omniscient doivent se cantonner à l’usage de la troisième personne.
  • Mis à part dans une autobiographie, le narrateur n’est pas l’auteur (celui qui écrit l’histoire). Ce sont deux instances distinctes, l’une étant une construction fictive littéraire et l’autre une personne réelle qui tient la plume.

 

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Tihay, L. (21 novembre 2025). Le narrateur, ni auteur ni simple personnage. Quillbot. Date : 24 novembre 2025, issu de l’article suivant : https://quillbot.com/fr/blog/ecriture-creative/narrateur/

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Laurine Tihay, BA

Après une licence en lettres et sciences du langage, Laurine, férue de lexicologie et de grammaire, s’est spécialisée dans la correction éditoriale. Également initiée à la narratologie, elle en connaît un rayon sur les techniques d’écriture créative appliquées aux œuvres de fiction et leurs spécificités inhérentes aux littératures de genre.

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