Monologue | Définition & exemples
Au théâtre, un monologue est un discours qu’un personnage adresse d’abord à lui-même, mais surtout au public.
Tout comme l’aparté, le monologue participe de la double énonciation théâtrale : en s’adressant à lui-même, le personnage livre ses pensées au plus grand nombre.
Entre tirade déclamatoire et soliloque feint, le monologue entretient un certain flou artistique autour de sa notion. Et pour cause : il ne serait pas né sur les planches, mais sous la plume des poètes…
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Monologue : définition
Étymologiquement, le monologue est un discours prononcé par une seule personne. D’origine grecque, le préfixe mono- et le mot logos ne renseignent toutefois pas sur le destinataire du message.
Au demeurant, le monologue ne semble pas être un discours auto-adressé. Cependant, par opposition au dialogue — dont le préfixe dia- signifie à travers —, on peut supposer que le seul destinataire du monologue soit bel et bien le locuteur lui-même.
Ainsi, les noms discours et soliloque offrent une option synonymique intéressante malgré une légère perte sémantique.
Les locutions verbales parler tout seul, se parler à soi-même ou encore penser à voix haute sont nettement plus proches, sémantiquement parlant, de monologuer.
Appartenant à des classes grammaticales différentes, le mot monologue et ces locutions verbales synonymiques ne sont pas substituables en l’état : la phrase nécessite une modification syntaxique.
Néanmoins, il semble contradictoire, au théâtre, de penser que la parole ne voyage pas à travers l’espace. Les répliques sont en effet écrites ou produites sur scène dans l’intention d’être lues du lecteur ou entendues du spectateur.
C’est là tout le principe de la double énonciation théâtrale : l’intention finale d’une réplique, qu’elle soit monologue, aparté, soliloque ou tirade, est d’être réceptionnée non seulement par un ou des personnages, mais également par le public.
Dans le cas du monologue, on pourrait même parler de triple énonciation. À l’origine, le monologue serait apparu sous la plume des auteurs de poèmes et de romans. Ces derniers souhaitaient révéler au lecteur les tourments psychologiques de leurs personnages.
Pour ce faire, le protagoniste s’exprime seul et en toute confidentialité. Son discours devient à la fois personnel et intime. Cet accès au privé, au secret donne invariablement un ton de vérité et d’authenticité au monologue.
Au Moyen Âge, ménestrels, trouvères et autres troubadours chantent, en occitan et dans de nombreuses autres langues romanes, les exploits rimés — pour mieux les retenir — de héros réels ou imaginaires.
Ces poèmes musicaux de tradition orale sont progressivement transcrits, fixés par un code écrit. Dès le IXe siècle, les poètes composent en langue romane, laissant le prestige et les sonorités du latin aux textes religieux.
Les œuvres de Chrétien de Troyes sont parmi les premières traces écrites de cette poésie versifiée en roman. De fait, ses poèmes deviennent des romans.
La métrique du vers, très contraignante, est abandonnée au profit de la prose et le roman revêt dès lors sa définition moderne : un récit fictionnel écrit en prose.
Véritable discours intérieur, le monologue se crée dans la tête du personnage, puis s’écrit sur les pages des manuscrits et s’énonce sur les planches des théâtres. Une triple énonciation originelle qui floute sa définition, mais qui sert la même cause : rendre le privé public.
Au théâtre comme ailleurs, le rôle du monologue est véritablement de faire l’étalage des pensées secrètes des personnages et d’établir un portrait psychologique précis et autoréflexif.
Paradoxalement, il y a dans le monologue la volonté d’induire un dialogue entre le personnage et lui-même pour montrer toute la complexité des émotions et la contradiction entre sentiments et actions.
Une pensée n’est pas un réflexe ; la réaction qui s’ensuit n’a rien de prévisible ou d’habituel. C’est par ailleurs toute la magie du monologue, qu’il soit ou non destiné au théâtre : il reste un accès privilégié aux coulisses psychologiques du personnage.
Dans la tirade du nez, écrit par Edmond Rostand, Cyrano exhorte le Vicomte de Valvert à se moquer proprement de son appendice nasal. Pour ridiculiser publiquement le manque de verve du Vicomte, Cyrano lui offre des réparties cinglantes. Et s’il se montre si généreux, ce n’est que pour mieux les lui ôter de la bouche !
[…]
– Voilà ce qu’à peu près, mon cher, vous m’auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d’esprit
Mais d’esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n’en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n’avez que les trois qui forment le mot : sot !
[…]
(Extrait de Cyrano de Bergerac, Acte I, Scène 4)
Au-delà du génie de Rostand, c’est la fonction même de la tirade que Cyrano dévoile : l’humiliation infligée n’aurait pas eu la même saveur sans la présence d’auditeurs directs. Malgré sa virulence, la tirade de Cyrano reste une invitation publique à donner la réplique.
Monologue : exemples
Acte solitaire, le monologue est toujours prononcé à l’attention des spectateurs. Toutefois, il est souvent adressé, de façon détournée, à un tiers absent. Bien que seul, le personnage mobilise un ensemble de procédés rhétoriques qui trahit sa volonté d’être entendu.
Au voleur ! au voleur ! à l’assassin ! au meurtrier ! Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné ; on m’a coupé la gorge : on m’a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N’est-il point là ? n’est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête.
(À lui-même, se prenant par le bras.)
Rends-moi mon argent, coquin… Ah ! c’est moi ! Mon esprit est troublé, et j’ignore où je suis, qui je suis, et ce que je fais. Hélas ! mon pauvre argent ! mon pauvre argent ! mon cher ami !
[…]
N’y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me rendant mon cher argent, ou en m’apprenant qui l’a pris. Euh ! que dites-vous ? Ce n’est personne.
[…]
De grâce, si l’on sait des nouvelles de mon voleur, je supplie que l’on m’en dise. N’est-il point caché là parmi vous ? Ils me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu’ils ont part, sans doute, au vol que l’on m’a fait.
[…]
(Molière, L’Avare, Acte IV, scène 7, 1668)
Explications :
Dans ce long monologue, Molière met en scène le personnage d’Harpagon, dont l’extrême avarice devient folie lorsqu’il s’aperçoit du vol de son argent.
Seul sur scène — information précisée dans la didascalie énonciative —, Harpagon commence son monologue par une série d’exclamations interjectives qui témoignent de son émotion.
Ses dénonciations sont un appel à l’aide, un discours qui n’est destiné à personne en particulier, mais qui est néanmoins exprimé, lancé comme une bouteille à la mer, dans l’espoir d’être entendu.
Ces interjections sont suivies par des questions a priori rhétoriques. Alors qu’il formule l’une d’entre elles au je, Harpagon finit par s’adresser physiquement à quelqu’un d’autre, avant de réaliser que cet autre n’est que lui-même.
Progressivement, Harpagon dialogue avec un vous qu’il apostrophe, qu’il questionne, qu’il supplie, qu’il invective. Le pronom personnel pluriel désigne tantôt les autres personnages de la pièce, tantôt le public lui-même.
Une fois encore, Molière brouille complètement les codes du théâtre et transforme le monologue en un dialogue de sourds, entre un avare et son argent, entre un homme et son ego.
La plupart des monologues présentent des marques énonciatives sous la forme de pronoms personnels. Si je renvoie à l’énonciateur, la présence d’autres pronoms indique que le monologue n’est jamais seulement destiné à celui qui le prononce.
Les questions rhétoriques ou les apostrophes sont autant d’artifices impliquant la présence d’un auditeur, sans jamais l’attester clairement. Par ailleurs, il n’est pas rare dans le théâtre contemporain d’avoir un réel auditeur au monologue, un personnage dissimulé à la vue de l’énonciateur, mais bel et bien présent sur scène.
En plus de sa fonction introspective, voire délibérative, le monologue possède également une réelle fonction narrative et scénique. Il sert en effet l’intérêt dramatique d’une pièce lorsqu’il se confond avec la scène d’exposition.
Le sort est, quand il veut, bien impatientant.
Que les honnêtes gens se mettent à ma place,
Et qu’on me dise un peu ce qu’il faut que je fasse.
Voici tantôt vingt ans que je vivais chez nous ;
Dieu m’a faite pour rire et pour planter des choux.
J’avais pour précepteur le curé du village ;
J’appris ce qu’il savait, même un peu davantage.
Je vivais sur parole, et je trouvais moyen
D’avoir des amoureux sans qu’il m’en coûtât rien.
Mon père était fermier ; j’étais sa ménagère.
Je courais la maison, toujours brave et légère,
Et j’aurais de grand cœur, pour obliger nos gens,
Mené les vaches paître ou les dindons aux champs.
Un beau jour on m’embarque, on me met dans un coche,
Un paquet sous le bras, dix écus dans ma poche,
On me promet fortune et la fleur des maris,
On m’expédie en poste, et je suis à Paris.
Aussitôt, de paniers largement affublée,
De taffetas vêtue et de poudre aveuglée,
On m’apprend que je suis gouvernante céans.
Gouvernante de quoi ? monsieur n’a pas d’enfants.
Il en fera plus tard. – On meuble une chambrette ;
On me dit : Désormais, tu t’appelles Lisette.
J’y consens, et mon rôle est de régner en paix
Sur trois filles de chambre et neuf ou dix laquais.
Jusque-là mon destin ne faisait pas grand’peine.
La maréchale m’aime ; au fait, c’est ma marraine.
Sa bru, notre duchesse, a l’air fort innocent.
Mais monseigneur le duc alors était absent ;
Où ? je ne sais pas trop, à la noce, à la guerre.
Enfin, ces jours derniers, comme on n’y pensait guère,
Il écrit qu’il revient, il arrive, et, ma foi,
Tout juste, en arrivant, tombe amoureux de moi.
Je vous demande un peu quelle étrange folie !
Sa femme est sage et douce autant qu’elle est jolie.
Elle l’aime, Dieu sait ! et ce libertin-là
Ne peut pas bonnement s’en tenir à cela ;
Il m’écrit des poulets, me conte des fredaines,
Me donne des rubans, des nœuds et des mitaines ;
Puis enfin, plus hardi, pas plus tard qu’à présent,
Du brillant que voici veut me faire présent.
Un diamant, à moi ! la chose est assez claire.
Hors de l’argent comptant, que diantre en puis-je faire ?
Je ne suis pas duchesse, et ne puis le porter.
Ainsi, tout simplement, monsieur veut m’acheter.
Voyons, me fâcherai-je ? – Il n’est pas très commode
De les heurter de front, ces tyrans à la mode,
Et la prison est là, pour un oui, pour un non,
Quand sur un talon rouge on glisse à Trianon.
Faut-il être sincère et tout dire à madame ?
C’est lui mettre, d’un mot, bien du chagrin dans l’âme,
Troubler une maison, peut-être pour toujours,
Et pour un pur caprice en chasser les amours.
Vaut-il pas mieux agir en personne discrète,
Et garder dans le cœur cette injure secrète ?
Oui, c’est le plus prudent. – Ah ! que j’ai de souci !
Ce brillant est gentil… et monseigneur aussi.
Je vais lui renvoyer sa bague à l’instant même,
Ici, dans ce papier. – Ma foi, tant pis s’il m’aime !
(Alfred de Musset, Louison, Acte I, scène 1, 1849)
Explications :
Première scène du premier acte, ce long monologue sert véritablement de prologue à la pièce de Musset.
Prétextant se parler à elle-même, Lisette parle d’elle-même, et par le fait même, situe l’action et les autres personnages.
En plus de révéler une intrigue complexe, ce monologue permet au spectateur de déduire des informations implicites. Bien que jamais mentionnés, le lieu et l’époque sont pourtant inférés, devinés par le spectateur.
Musset ancre socialement le personnage de Lisette au moyen d’un champ lexical spécifique, qui témoigne à lui seul d’une époque et d’une société donnée.
Scène d’exposition implicite, ce monologue, sublimé par le génie versifié de Musset, nous renvoie à ses propres origines poétiques.
Plus qu’une scène d’exposition, le monologue a longtemps déterminé le séquençage des pièces. Il était en effet d’usage, dans les tragédies classiques, de découper les scènes selon les entrées et les sorties des personnages.
Discours solitaire, le monologue interrompt inévitablement l’action et limite tout déplacement : il est à lui seul réplique, tableau et scène. Cette triple fonction, qui s’emboite à la manière des poupées russes, fait surtout écho à sa triple énonciation originelle…
Questions fréquentes sur le monologue
- Qu’est-ce que le monologue d’Otis dans Astérix Mission Cléopâtre ?
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Dans le film Astérix Mission Cléopâtre, le personnage d’Otis, joué par Édouard Baer, interprète un scribe. Interrogé sur sa situation professionnelle, Otis se lance dans une explication qui n’a ni queue ni tête.
Au cinéma comme au théâtre, les monologues sont scriptés. Si la réplique d’Otis est devenue culte, c’est parce qu’elle est au contraire entièrement improvisée.
Connu pour sa verve, Édouard Baer improvise une suite de phrases liées entre elles par un sens immédiat, mais qui se révèle très vite sans rapport avec le sujet initial.
Ce cadavre exquis, solitaire et public, participe évidemment au comique de situation et au ton du film. Les comédiens, en gardant leur sérieux, offrent aux réalisateurs un moment d’anthologie qui sera conservé au montage. Un montage qui n’a d’ailleurs pas dû être chose facile : certains prétendent que le monologue original aurait duré plus de 16 minutes…
Des années après la sortie du film, le « monologue » d’Édouard Baer reste une référence dans la culture populaire. Pour preuve, certains sportifs, dont Martin Fourcade, n’hésitent pas à le reprendre en direct au micro des journalistes !
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- Qu’est-ce que le monologue du vagin ?
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Présentée à Broadway en 1996, Les monologues du vagin (The Vagina Monologues) est une pièce de théâtre écrite par la dramaturge américaine Eve Ensler.
Le succès de la pièce est tel qu’elle est traduite dans des dizaines de langues et jouée dans plus de cent pays.
Militante féministe, l’auteure tient à ce que sa pièce le reste dans le fond et la forme : les comédiennes reprenant le rôle principal doivent le faire bénévolement et les recettes doivent être reversées à des associations luttant contre les violences faites aux femmes.
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Charrin, A. (2025, 16 September). Monologue | Définition & exemples. Quillbot. Date : 10 octobre 2025, issu de l’article suivant : https://quillbot.com/fr/blog/theatre/monologue/