Clé ou clef | Orthographe
Comment appelle-t-on ce petit instrument métallique qui permet d’ouvrir une serrure : clef ou clé ?
- Latin classique :
- clavis : graphie courante jusqu’au milieu du XIe siècle (protofrançais).
- Ancien français :
- cles : forme réduite de clavis, en cours du XIe au XIIe siècle ;
- clef : forme en cours à partir du milieu du XIIe siècle.
- Moyen français :
- clé : premières apparitions d’une forme plus fidèle à la prononciation au cours du XIVe siècle.
- Français préclassique :
- clef : graphie majoritairement répandue jusqu’au XVIIe siècle.
- Français classique :
-
- clef et clé : mise en concurrence des deux graphies pendant plus d’un siècle (XVIIIe).
- Français moderne :
- clé : graphie majoritaire depuis le XIXe siècle.
Si l’on rencontre encore la graphie clef chez certains locuteurs, la forme clé tend à s’imposer en français moderne.
La concurrence de ces deux graphies, aussi correctes l’une que l’autre, est le parfait exemple de l’évolution graphique du français et résume à merveille la réticence d’une partie de ses locuteurs à le moderniser…
Une clé ou une clef ?
Ce petit instrument métallique, bien utile pour déverrouiller des portes, peut, aujourd’hui encore, s’écrire de deux façons : une finale en « é » ou en « f ». Tous les dictionnaires s’accordent pour attester ces deux formes, qui possèdent néanmoins une différence de taille : leur taux de fréquence.
En français moderne, la graphie clé est la plus utilisée. Les chiffres sont incontestables : 75 % des occurrences du mot apparaissent sous cette forme. Mais la graphie clef n’a pas complètement disparu et reste utilisée par un quart des scripteurs francophones.
- Graphie clef, depuis le XIIe siècle :
- « Dame, vos en portez la clef,
Et la serre et l’escrin avez
Ou ma joie est, si nel savez. »
Chrétien de Troyes, Yvain ou Le Chevalier au Lion, 1177
- « Dame, vos en portez la clef,
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- « La cour est vide. La maison est fermée. Claire sait où est la clef, sous une ardoise, derrière l’érable, mais elle n’entrera pas dans la maison. » Marie-Hélène Lafon, Les Sources, 2023
- Graphie clé, depuis le XIVe siècle :
- « […] certaine quantité de blé froment qu’il avoit en sa granche, dont lui qui parle portoit la clé, lequel blé il portoit de nuit en l’ostel d’un nommé Nicolas, […] »
Anonyme, Registre criminel du Châtelet de Paris du 6 septembre 1389 au 18 mai 1392, t.2, 1389
- « […] certaine quantité de blé froment qu’il avoit en sa granche, dont lui qui parle portoit la clé, lequel blé il portoit de nuit en l’ostel d’un nommé Nicolas, […] »
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- « C’était le regard de ceux qui ont trouvé la clé de leur existence, ce regard qui leur donne une aura de plénitude. »
Odile Lefranc, Le lac au miroir, 2023
- « C’était le regard de ceux qui ont trouvé la clé de leur existence, ce regard qui leur donne une aura de plénitude. »
La concurrence entre différentes graphies est monnaie courante en français. Elle témoigne de l’évolution de la langue et surtout de la préférence des locuteurs pour l’une ou l’autre forme. Aussi longtemps que le choix entre les formes demeure, il n’y a pas préséance d’une forme sur l’autre.
Que l’on se retrouve, aujourd’hui encore, en présence de ces deux graphies est un phénomène linguistique normal. Mais comment a-t-on pu passer de la forme cles, issue du latin clavis, à une finale en « f » ? Là est la vraie question…
La clé/clef du mystère…
Les amateurs du genre seront peut-être déçus, mais le mystère derrière ces deux graphies n’a rien de fantastique : il est avant tout typographique.
En proto-français (un état de langue entre le latin et l’ancien français), le « s » minuscule était un « s long » dont la graphie (ſ) ressemble à s’y méprendre à un « f ». À cette époque, ni la grammaire ni l’orthographe ne sont régies par des règles strictes.
Le graphisme de ce « s long » ayant beaucoup varié au cours des siècles, il est fort probable que le « s » minuscule de l’ancien français cles, alors écrit (ſ), se soit transformé en « f » sous la plume des scribes. Cette graphie, manuscrite et reproduite en l’état, aurait été figée par le caractère de plomb dès l’apparition de l’imprimerie en Europe.
Une simple observation étaye cette explication : il n’y a aucun autre mot en français dont la finale en « f » se prononce « é ». Les mots bref, chef, relief, fief ou grief n’ont jamais perdu la sonorité de leur « f » final. Seul le mot clef ne produit pas cette consonne sonore en fin de mot.
De plus, l’utilisation du « f » dans la graphie clef n’apparaît qu’au XIIe siècle, après plus d’un siècle d’utilisation de la forme cles. Toutes les langues latines, langues sœurs du français, ont privilégié une autre consonne finale, plus proche de l’original latin clavis : llave en espagnol, chave en portugais et chiave en italien.
Ces considérations techniques soutiennent la thèse de la confusion entre deux caractères similaires. Pourquoi certains locuteurs continuent-ils alors d’utiliser une graphie qui ne reflète en rien l’étymologie ou la prononciation du mot original ?
L’esthétisme comme clé/clef de voûte…
Chaque locuteur possède de la langue une perception propre. En français, le jugement esthétique occupe une grande part de cette perception et impose, plus encore que les règles de grammaire et d’orthographe, un véritable diktat culturel et linguistique sur les locuteurs.
Le mot clé ne fait pas uniquement référence à la pièce en métal qui ouvre les serrures. Il désigne le signe placé au début d’une portée en musique, la pierre centrale qui soutient une voûte en architecture, et de façon métaphorique, tout ce qui donne accès à quelque chose d’important ou de stratégique, que ce soit la clé d’une énigme ou le poste-clé dans une organisation hiérarchique.
Malheureusement, la grande majorité des mots ne tolèrent qu’une seule graphie. Dans ce cas, l’utilisation d’un correcteur d’orthographe, en particulier lorsqu’il s’agit d’un outil gratuit, est indispensable pour les écrire sans erreur.
L’ancienne graphie, celle avec un « f » final, est davantage conservée dans les domaines de la musique et de l’architecture, arts ancestraux et nobles, où elle est symbole d’esthétisme et de raffinement.
En informatique et, plus généralement dans le domaine du numérique, c’est au contraire la graphie clé qui tend à être privilégiée. Les clés USB, les mots-clés, et autres clés d’authentification reflètent la modernité d’un secteur d’activité dynamique et surtout nettement moins formel que d’autres.
Ainsi, les locuteurs, selon leur âge, leur domaine d’activité, leur tendance artistique, leur rapport à la beauté, etc., ont une certaine perception de la langue, laquelle induit leur choix langagier. Ce choix se joue dans l’inévitable confrontation entre modernité et traditionalisme, comme pour tout autre fait social.
Toutes considérations sociales et tous jugements esthétiques mis à part, il faut bien avouer qu’une clef USB témoigne davantage de l’anachronisme d’un terme que du charme désuet d’une obsolescence linguistiquement programmée…
Questions fréquentes sur clé ou clef
- Écrit-on une clé ou une clef ?
-
Les deux graphies clé et clef sont parfaitement correctes, même si la première est plus moderne que la deuxième.
- J’ai perdu la clé du cadenas.
- J’ai perdu la clef du cadenas.
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