Certe ou certes

L’adverbe certes s’écrit toujours avec un « s » final. Certes et ses synonymes peuvent exprimer la validation ou la concession, voire les deux en même temps.

Certes ou « certe » ?
  • Certes = adverbe invariable, synonyme de :
    • effectivement, assurément, indéniablement, de toute évidence, etc.

Exemple : J’ai reçu de sa part un message, certes chaleureux et agréable, mais je n’arrive pas à le trouver sincère.

    • oui, bien sûr, certainement, évidemment, bel et bien, sûrement, etc.

Exemple : J’y vais à reculons, certes ; je fais mon travail.

  • Certe = ancienne graphie qui n’est plus utilisée aujourd’hui.

Si nous confondons certes et certe, c’est que ces deux graphies étaient en concurrence sous la plume des poètes. Certes, il y a plus d’un siècle, mais ça vaut bien une petite explication poétique…

Certes, adverbe invariable

Comme de nombreux adverbes, certes est invariable et prend toujours un « s » final. Cette consonne est dite étymologique, car elle était déjà présente dans le mot latin certas, signifiant certainement.

Issu du latin, certes possède deux aspects sémantiques proches, entre validation et concession.

Certes : la validation

L’adverbe certes permet de valider ce qui vient d’être dit. Il est alors synonyme de certains adverbes d’affirmation, tels que oui, bien sûr, certainement, etc.

Il peut également être associé à des adverbes de négation pour valider, cette fois, une réponse négative. Cet emploi adverbial, considéré vieilli, est toutefois très présent dans la littérature française.

Certes : exemples de validation

— Ainsi, tu m’affirmes que tout est bien ? dit-elle dans le dernier baiser.
— Oui, certes !

Gustave Flaubert, Madame Bovary, 1857

— Tu n’iras pas chez celui-là non plus, alors ?
— Certes non.

Alphonse Daudet, Soutien de famille, 1897

[…] cette dépêche, et les cent coups de canon qui annoncèrent la délivrance de Ferdinand, pensèrent me faire trouver mal de joie ; non certes que j’attachasse un intérêt personnel à la rescousse d’un monarque haïssable, […]

François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, 1848

Certes : la concession

De nos jours, certes conserve un aspect de validation, mais au sein de structures concessives. En d’autres mots, l’adverbe certes remplace des énoncés comme je suis d’accord ou j’admets, qui témoignent de l’acceptation des propos d’autrui.

Ces structures concessives sont très souvent suivies de l’adverbe mais pour opposer un argument à cette concession. Technique rhétorique, la concession permet de reconnaître la valeur de l’opinion adverse, pour mieux la contrer ou la réfuter.

Certes : exemples de concession
  • Il posait sur elle un regard amoureux, certes, mais presque bovin, sans éclat ni intelligence.
  • Il m’accorda un entretien : « certes, mais cinq minutes ! Pas six, et certainement pas dix ! ».
  • Vous avez raison, certes, de souligner ce problème, mais sachez que nous faisons tout pour l’éviter.
  • Elles étaient certes moins nombreuses, mais elles étaient toujours aussi bruyantes.

De façon plus subtile, la concession peut être implicite. L’adverbe certes est alors utilisé seul, sans l’adverbe mais. La suppression d’une opposition explicite atténue grandement la validation des propos.

Certes : exemples de concession
  • Certes, il ne pouvait prétendre le contraire. Il le faisait de toute évidence en toute mauvaise foi.
  • Ce comédien, à la renommée certes bien établie, est en fin de carrière.
  • C’est beau, certes ; l’esthétisme reste une notion relative.

Certes : ponctuation

Comme tout adverbe, certes, placé en début de phrase, doit être suivi par une virgule.

Lorsqu’il est utilisé en milieu de phrase, les virgules sont facultatives s’il est employé seul. Toutefois, s’il fait partie d’une phrase subordonnée concessive, comme c’est souvent le cas, cette dernière doit être isolée par des virgules.

En fin de phrase, l’adverbe est généralement précédé d’une virgule, bien qu’elle ne soit pas obligatoire.

Certe : à la recherche de la graphie perdue…
On lit trop souvent que le mot certe, sans « s » final, « n’existe pas ». Or, si cette graphie n’est plus utilisée aujourd’hui, elle avait bel et bien cours au XVIIIe siècle. Son taux de fréquence n’était toutefois pas aussi élevé que la variante certes.

Les deux graphies ont donc été en concurrence pendant près d’un siècle, parfois sous la plume d’un seul et même auteur, et même des plus grands :

[…]

Ô Dieu qui m’entendez, ces hommes sont hideux,

Certe, ils sont étonnés de nous comme nous d’eux.

Avez-vous fait erreur ? et que faut-il qu’on pense ?

À qui le châtiment ? à qui la récompense ?

[…]

Victor Hugo, La Légende des siècles, 1883

 

[…]

Tu m’as donné, non point à tort,

mais certe avec juste raison,

ce surnom d’Infernal, c’est fort

bien : n’as-tu pas toujours raison ?

[…]

Paul Verlaine, Œuvres poétiques complètes, 1896

En poésie, la métrique d’un poème repose sur la succession des syllabes du vers. Il faut déterminer quelles syllabes sont ou non prononcées pour en respecter le nombre au sein du vers et maintenir le rythme du poème.

Dans les deux exemples ci-dessus, le « e » de certe devient muet puisque le mot qui le suit commence par une voyelle. À l’inverse, la graphie certes, se finissant par une consonne, nécessite la prononciation de la syllabe et contrevient à la métrique du poème.

Supprimer le « s » final de certes permettait ainsi à ces ingénieux poètes de rétablir la métrique du vers en transformant une syllabe prononcée en syllabe muette.

Auteurs érudits, poètes romantiques ou maudits, Hugo, Verlaine et d’autres n’hésitaient pas à enfreindre les règles de la langue pour respecter celles, encore plus strictes, de la poésie française.

Vous avez aimé cet article ?
Aude Charrin, MA

Traductrice et linguiste de formation, Aude a également enseigné le français à des jeunes en difficulté scolaire. Sa nouvelle mission : démocratiser la langue française en vulgarisant ses concepts.