Prologue | Définition & exemples
Au théâtre, un prologue est une scène d’introduction servant à situer l’action et les personnages.
De la tragédie antique au théâtre contemporain, le prologue a changé de rôle et de costumes au gré des modes et des époques.
Qu’elle flatte les égos ou douche tout espoir, cette mise en situation précède et présente les faits : elle lève le voile juste après le rideau…
Prologue : définition
Le prologue théâtral se définit véritablement comme la première partie d’une pièce. Si elle n’est pas toujours une scène, soit une partie d’un acte, elle est invariablement un préambule à l’intrigue.
Cette entrée en matière sert généralement à présenter les personnages et situer l’action dans une époque, un lieu et un contexte donné. De façon générale, le prologue expose des informations essentielles pour rendre l’intrigue intelligible d’emblée par le spectateur.
La situation exposée est alors narrée, racontée, les détails ne sont pas toujours explicites. En ce sens, le prologue, au contraire de l’aparté, appartient à l’univers narratif. Ce n’est pas une indication de la part du dramaturge, mais bien un récit, celui de l’action qui est sur le point d’advenir.
Certains prologues font remonter ce récit bien avant le moment de l’énonciation pour une compréhension plus globale de l’intrigue. Toutefois, la raison d’être du prologue étant la mise en situation, il se doit d’être court et surtout de ne pas complexifier inutilement le déroulement de l’intrigue à venir.
En littérature classique, on parle davantage d’un avant-propos, d’une préface, voire d’une introduction ou d’un avertissement.
Au théâtre, le prologue relève du discours. Les locutions entrée en matière ou discours préliminaire permettent d’en saisir tout l’aspect introductif et présentatif.
Issu du théâtre, l’opéra, autre genre littéraire et dramatique, possède également une forme de prologue, appelé prélude. Instrumental et parfois chanté, il permet à l’orchestre et aux acteurs de se mettre dans le ton. Comme le prologue théâtral, le prélude précède la pièce et annonce son ambiance musicale.
Généralement énoncés par un acteur présent sur scène, certains prologues sont proclamés depuis les coulisses. Dans le théâtre antique, le prologue précède l’entrée du chœur et donne lieu aux derniers préparatifs. Proclamé à l’abri des regards, ce discours permet de parfaire les masques et les costumes.
Outre ces considérations techniques, le prologue est parfois énoncé par l’auteur de la pièce lui-même. Certains dramaturges grecs et romains profitent de l’occasion pour demander la clémence du public et devancer d’éventuelles critiques.
Décors peu représentatifs, costumes très minimalistes, ellipses temporelles trop ambitieuses, toutes les approximations scéniques et dramatiques y sont justifiées. Initialement narratif, le prologue acquiert dès lors une fonction dramaturgique, voire éditoriale.
Au Moyen-Âge, dans les mystères — des pièces liturgiques —, le prologue prend inévitablement un caractère religieux. La plupart du temps, il s’agit d’une prière directement énoncée par le prêtre et sans lien étroit avec la pièce elle-même.
Le classicisme entraine le prologue sur la pente savonneuse de la flatterie. Les comédies, surtout celles de Molière, sont les plus promptes à heurter les susceptibilités du Roi et de sa Cour. S’ils deviennent synonymes de courbettes obséquieuses pour certains auteurs, ces prologues sont pour d’autres l’unique façon d’éviter la censure royale.
Dans le théâtre italien, aux codes bousculés par la Renaissance, le prologue devient un véritable échange, un dialogue entre le dramaturge et le public, voire entre deux comédiens. Généralement courtes et cocasses, ces conversations informelles n’ont pas de portée narrative. Si elles mettent le public dans l’ambiance, elles ne révèlent rien, ou si peu, de l’intrigue.
Prologue : exemples
S’adaptant sans cesse, le prologue a toujours eu une place à part dans l’univers théâtral. Toutefois, en raison de sa position préliminaire, il est souvent confondu avec la scène d’exposition.
Contrairement au prologue, la scène d’exposition est une véritable scène, en l’occurrence, la première du premier acte. Elle joue le rôle de scène d’exposition, mais ce rôle est une fonction, et non un titre.
À la fois mise en situation et entrée en matière, le prologue n’est pas la première scène du premier acte. Situé après la didascalie initiale, mais avant la première scène, il joue non seulement son rôle, mais en possède surtout la dénomination, le titre physique.
PROLOGUE
Après les glorieuses fatigues et les exploits victorieux de notre auguste monarque, il est bien juste que tous ceux qui se mêlent d’écrire travaillent ou à ses louanges, ou à son divertissement. C’est ce qu’ici l’on a voulu faire ; et ce prologue est un essai des louanges de ce grand prince, qui donne entrée à la comédie du Malade imaginaire dont le projet a été fait pour le délasser de ses nobles travaux.
(La décoration représente un lieu champêtre, et néanmoins fort agréable.)
ÉGLOGUE EN MUSIQUE ET EN DANSE.
FLORE, PAN, CLIMÈNE, DAPHNÉ, TIRCIS, DORILAS, DEUX ZÉPHYRS,
TROUPE DE BERGÈRES ET DE BERGERS.
FLORE. — Quittez, quittez vos troupeaux ;
Venez, bergers, venez, bergères ;
Accourez, accourez sous ces tendres ormeaux :
Je viens vous annoncer des nouvelles bien chères,
Et réjouir tous ces hameaux.
Quittez, quittez vos troupeaux ;
Venez, bergers, venez, bergères ;
Accourez, accourez sous ces tendres ormeaux.
CLIMÈNE et DAPHNÉ. — Berger, laissons là tes feux :
Voilà Flore qui nous appelle.
TIRCIS et DORILAS. — Mais au moins, dis-moi, cruelle,
TIRCIS. — Si d’un peu d’amitié tu payeras mes vœux.
DORILAS. — Si tu seras sensible à mon ardeur fidèle.
CLIMÈNE et DAPHNÉ. — Voilà Flore qui nous appelle.
TIRCIS et DORILAS. — Ce n’est qu’un mot, un mot, un seul mot que je veux.
TIRCIS. — Languirai-je toujours dans ma peine mortelle ?
DORILAS. — Puis-je espérer qu’un jour tu me rendras heureux ?
CLIMÈNE et DAPHNÉ. — Voilà Flore qui nous appelle.
ENTRÉE DE BALLET. (Toute la troupe des bergers et des bergères va se placer autour de Flore.)
CLIMÈNE. — Quelle nouvelle parmi nous,
Déesse, doit jeter tant de réjouissance ?
DAPHNÉ. — Nous brûlons d’apprendre de vous
Cette nouvelle d’importance.
DORILAS. — D’ardeur nous en soupirons tous.
TOUS. — Nous en mourons d’impatience.
FLORE. — La voici ; silence, silence !
Vos vœux sont exaucés, LOUIS est de retour ;
Il ramène en ces lieux les plaisirs et l’amour,
Et vous voyez finir vos mortelles alarmes.
Par ses vastes exploits son bras voit tout soumis ;
Il quitte les armes
Faute d’ennemis.
TOUS. — Ah ! quelle douce nouvelle !
Qu’elle est grande ! qu’elle est belle !
Que de plaisirs ! que de ris ! que de jeux !
Que de succès heureux !
Et que le ciel a bien rempli nos vœux !
Ah ! quelle douce nouvelle !
Qu’elle est grande ! qu’elle est belle !
ENTRÉE DE BALLET. (Tous les bergers et bergères expriment par des danses les transports de leur joie.)
[…]
(Molière, Le Malade imaginaire, 1673)
Explications :
Dans ce prologue, Molière met en scène une troupe de bergers et de bergères qui chantent et dansent dans un cadre champêtre. Ils fêtent la victoire de Louis XIV sur les Hollandais et s’apprêtent à donner un spectacle en son honneur.
Si le spectacle en question est bel et bien la pièce du Malade imaginaire, ce prologue n’en fait pas partie. Il n’est pas la première scène de l’acte I ; les personnages ne sont d’ailleurs pas ceux du Malade imaginaire.
L’intention du dramaturge derrière ce prologue est particulièrement confuse et ambigüe.
Dans la plus pure tradition antique, Molière fait intervenir un ballet et un chœur qui ajoutent une note musicale à un tableau déjà très pastoral et passablement bucolique.
Sous le titre le qualifiant de prologue, Molière en explicite la finalité au moyen d’une didascalie initiale, dont le ton obséquieux frise l’ironie.
S’il est en apparence écrit à la gloire de Louis XIV, ce prologue, par sa mise en abyme douteuse et son aspect frivole, met surtout en lumière l’hypocrisie d’une époque, où toute production culturelle est soumise au véto royal.
Le théâtre contemporain n’est pas en reste quand il s’agit d’utiliser le prologue. Celui précédant la pièce Juste la fin du monde résonne comme une prophétie alors que son auteur, Jean-Luc Lagarce, meurt du sida quelques années après la parution de sa pièce.
PROLOGUE
(Cela se passe dans la maison de la Mère et de Suzanne, un dimanche, évidemment, ou bien durant près d’une année entière.)
LOUIS. — Plus tard, l’année d’après
— J’allais mourir à mon tour —
j’ai près de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet âge que
je mourrai,
l’année d’après,
de nombreux mois déjà que j’attendais à ne rien faire, à
tricher, à ne plus savoir,
de nombreux mois que j’attendais d’en avoir fini,
l’année d’après,
comme on ose bouger parfois,
à peine,
devant un danger extrême, imperceptiblement, sans vouloir
faire de bruit ou commettre un geste trop violent qui
réveillerait l’ennemi et vous détruirait aussitôt,
l’année d’après,
malgré tout,
la peur,
prenant ce risque et sans espoir jamais de survivre,
malgré tout,
l’année d’après,
je décidai de retourner les voir, revenir sur mes pas, aller sur
mes traces et faire le voyage,
pour annoncer, lentement, avec soin, avec soin et précision
— ce que je crois —
lentement, calmement, d’une manière posée
— et n’ai-je pas toujours été pour les autres et eux, tout
précisément, n’ai-je pas toujours été un homme posé ?,
pour annoncer,
dire,
seulement dire,
ma mort prochaine et irrémédiable,
l’annoncer moi-même, en être l’unique messager,
et paraître
— peut-être ce que j’ai toujours voulu, voulu et décidé, en
toutes circonstances et depuis le plus loin que j’ose me
souvenir —
et paraître pouvoir là encore décider,
me donner et donner aux autres, et à eux, tout précisément,
toi, vous, elle, ceux-là encore que je ne connais pas (trop tard
et tant pis),
me donner et donner aux autres une dernière fois l’illusion
d’être responsable de moi-même et d’être, jusqu’à cette
extrémité, mon propre maître.
(Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, 1990)
Explications :
Ce prologue, arrivant après la liste des personnages dans le manuscrit, précède la première scène de l’acte I. L’auteur y révèle, dès les premiers mots, l’issue de l’intrigue et le sort du personnage principal. Ce dernier, Louis, prend la parole en siphonnant le temps et le spectateur dans une ellipse temporelle vertigineuse.
Maniant le futur, le présent et l’imparfait, Louis mêle et emmêle temps réel et temps d’énonciation dans une annonce aussi prophétique qu’irrévocable. Les adverbes de temps et son champ lexical renvoient le lecteur comme le spectateur à son immuabilité et son évanescence.
Par ailleurs, la mise en forme de ce prologue maintient la répétition de la locution l’année d’après en équilibre. Ni anaphore ni épiphore, elle tangue sur ce ressac temporel, mais reste solide, inflexible, inexorable.
Lagarce joue ici avec les codes du prologue en le transformant de façon paradoxale autant en prolepse, une figure de style d’anticipation, qu’en scène d’exposition. Il en repousse même la fonction : à travers le sort de Louis, c’est sa condition qu’il expose dans une confession à la fois pudique, sincère et audacieuse.
Questions fréquentes sur le prologue
- C’est quoi un prologue au théâtre ?
-
Le prologue théâtral est une scène qui a lieu avant le premier acte et qui situe les personnages et l’action.
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- Qu’est-ce que le prologue de Gargantua ?
-
Dans Gargantua, l’une des œuvres les plus connues de François Rabelais, l’auteur apostrophe le lecteur dès les premières lignes.
Le texte commence en effet par deux paragraphes intitulés Le prologue de l’auteur, dans lesquels Rabelais s’adresse directement au lecteur pour solliciter sa bienveillance.
Ce prologue littéraire, et non théâtral, est avant tout un moyen pour Rabelais d’éviter la censure. En rappelant le caractère comique de son œuvre, il s’en distancie et, par le fait même, se déresponsabilise des réactions qu’elle peut engendrer.
Si ce prologue laisse supposer une attitude conciliante envers les autorités religieuses, son ambiguïté mène à diverses interprétations.
L’auteur y dissimule surtout une habile critique du contrôle ecclésiastique de l’époque tout en prônant l’humanisme, l’épanouissement de l’être humain par la littérature et la science.
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Charrin, A. (2025, 06 August). Prologue | Définition & exemples. Quillbot. Date : 15 octobre 2025, issu de l’article suivant : https://quillbot.com/fr/blog/theatre/prologue/