Épiphore | Exemples et définition (figure de style)
L’épiphore, figure de style de répétition, consiste à reprendre le même mot ou le même groupe de mots à la fin de plusieurs phrases ou vers successifs.
Dans cet exemple, l’épiphore consiste en la répétition en fin de phrase du mot lentement.
Procédé contraire de l’anaphore, l’épiphore s’emploie en littérature ou en poésie pour insister sur des propos tout en y apportant une certaine musicalité.
Épiphore : figure de style
Procédé stylistique d’insistance, l’épiphore est l’exact contraire, l’opposé symétrique d’une autre figure de style de répétition, l’anaphore. Si cette dernière permet la répétition d’un mot en début de phrase, l’épiphore admet la reprise d’un même mot ou d’un même groupe de mots en fin de phrase, de vers ou de proposition.
Dans cet exemple, l’épiphore concerne un groupe de mots, répété en fin de proposition. L’ellipse du pronom il permet de considérer ces propositions comme indépendantes.
Le rôle stylistique d’une épiphore est avant tout rythmique. La répétition insiste évidemment sur le sens des mots utilisés, mais c’est surtout leur sonorité identique qui saccade le rythme et marque la mesure du texte.
Sans adresse, Sofia,
Rien que le parfum de toi,
Il me reste, Sofia
Je reste sans foi,
Sans âme, Sofia,
Rien que moi,
Et mes larmes, Sofia.
En poésie, qu’elle soit en vers ou en prose, l’épiphore est alors appelée épistrophe. S’il s’agit du même procédé, l’épistrophe apporte aux vers du poème une certaine mélancolie.
En effet, d’un point de vue sémantique, ce procédé d’insistance offre un écho, une caisse de résonance, qui amplifie le caractère romantique ou mélancolique du poème.
L’amour, la guerre, la paix à deux,
Toutes nos bêtises, ces jeux à deux,
Toujours limites, souvent dangereux.
Nos serments et nos coups de vieux,
Bracelets indiens, vélo à deux,
Tous nos rêves, notre vie à deux,
Ils sont lointains ces temps précieux.
Dans les deux poèmes ci-dessus, la répétition du groupe de mots à deux, et plus encore du prénom féminin Sofia, amplifie la mélancolie, voire la détresse de leurs auteurs.
L’épiphore remplit également une fonction essentielle dans les règles de versification, puisque la répétition du même mot en fin de vers implique de facto la même rime.
Si le choix de la rime ne se pose pas, des mots imposés en fin de vers entrainent néanmoins d’autres contraintes lexicales et sémantiques.
- Mes yeux s’aimantaient à lui, à nul autre que lui. (répétition)
- Mes yeux s’aimantaient à lui, à nul autre que lui, à personne sinon lui. (épiphore)
Pour qu’une épiphore soit considérée comme telle, le nombre de mots ou de groupes de mots répétés doit être supérieur à trois. Puisque ces répétitions se trouvent dans des phrases successives et proches, il est aisé de différencier l’épiphore de la répétition. De fait, l’épiphore est un type spécifique de répétition, à trois occurrences ou plus.
L’épiphore est également un procédé discursif ; autrement dit, elle s’emploie aussi à l’oral, dans les conversations de tous les jours. Toutefois, l’effet stylistique n’est garanti que par un changement d’intonation ou de ton.
Imaginez une mère demandant à son enfant s’il a fait ses devoirs. La première occurrence sera prononcée sur le ton interrogatif, Tu as fait tes devoirs ?, relevant de la simple prise d’information. La deuxième occurrence, Quoi, tu as fait tes devoirs ?!, marque la surprise de la mère devant la réponse positive de l’enfant. La troisième occurrence, Grand dieu, il va neiger, tu as fait tes devoirs !!, relève, elle, de la moquerie, insistant sur le côté miraculeux de l’évènement.
À l’oral comme à l’écrit, l’épiphore est une figure de style spécifique. Similaires aux autres procédés de répétitions sur le fond, sa forme et ses effets stylistiques sont toutefois bien différents : de l’insistance dramatique à l’exagération humoristique.
Encore plus fort que l’épiphore : l’antépiphore
Si l’épiphore répète les mots en fin de phrase, l’antépiphore permet, comme l’indique son préfixe « anté- », de les répéter à la fois au début et à la fin de la phrase. L’effet de répétition est nettement amplifié par la circularité sémantique et phonétique des éléments ainsi mis en relief.
Il s’agit véritablement de la combinaison des procédés d’anaphore et d’épiphore au sein de la même phrase. Toutefois, certains auteurs réservent le terme antépiphore au genre poétique pour désigner le retour d’un même vers au début et à la fin d’une strophe.
Ô toi, tous mes plaisirs ! ô toi, tous mes devoirs !
Tu te rappelleras la beauté des caresses,
La douceur du foyer et le charme des soirs,
Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses !
Les soirs illuminés par l’ardeur du charbon,
Et les soirs au balcon, voilés de vapeurs roses.
Que ton sein m’était doux ! que ton cœur m’était bon !
Nous avons dit souvent d’impérissables choses
Les soirs illuminés par l’ardeur du charbon.
Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées !
Que l’espace est profond ! que le cœur est puissant !
En me penchant vers toi, reine des adorées,
Je croyais respirer le parfum de ton sang.
Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées !
[…]
Charles Baudelaire, « Le balcon », Les Fleurs du mal
Dans ce poème, Charles Baudelaire, maître de l’antépiphore (qu’il rebaptise d’ailleurs antépistrophe) encadre chacune de ses strophes du même vers.
Associé au parallélisme des phrases exclamatives, cette figure de style crée une réelle symétrie visuelle et sonore. Loin de l’aspect rébarbatif d’une simple circularité, l’antépiphore offre au poème un équilibre quasi parfait, dont l’harmonie est sublimée par les rimes et les répétitions.
Pour d’autres, l’antépiphore n’est pas l’apanage du poème. Elle s’insère idéalement dans toute production littéraire au sein, non plus de la strophe, mais du paragraphe et de la phrase. Elle permet surtout d’encadrer une plus petite portion de phrase par un groupe de mots nettement plus court, voire par un seul mot.
The Times. Le Temps. Toute mon enfance, mon père n’a été pour moi que ce gros titre gras et sombre, austère et empâté. À son image, finalement. Un père invisible derrière son journal. The Times. Son Temps ; celui dont je n’étais pas digne puisqu’il préférait, à son enfant, son journal.
Que ce soit en fin de phrase ou en fin de paragraphe, l’antépiphore offre au récit les mêmes avantages qu’au poème : une rythmique percutante et une insistance, empreinte de lourdeur, contribuant à l’atmosphère narrative.
L’antépiphore dans le discours : la symploque
Comme l’épiphore, l’antépiphore joue également un rôle à l’oral. Figure de rhétorique, elle est désignée par le terme symploque pour la différencier des procédés stylistiques de l’écrit. Toutefois, elle conserve la même structure : l’association d’une anaphore et d’une épiphore au sein d’une phrase ou d’un paragraphe.
Largement employée dans le discours politique, la symploque donne une fausse valeur d’autorité au discours, en plus d’insister sur les mots employés. En effet, leur répétition circulaire donne l’impression d’une boucle bouclée, d’un itinéraire achevé par un retour au point de départ.
Cette impression n’est pas anodine, elle clôt le discours, comme la discussion. Ce faisant, elle ne laisse aucune place à l’échange ou à la conversation. Ce ton sans réplique reste une impression, et le principe d’autorité qui s’en dégage est parfaitement factice.
Un des plus célèbres exemples de symploque, utilisée à bon escient par ailleurs, reste Ies locutions I have a dream that one day… et I have a dream today qui ouvrent et clôturent certains paragraphes d’un discours prononcé le 28 août 1963, par Martin Luther King.
Cet emblématique exercice rhétorique demeure à ce jour l’exemple le plus probant de discours synonyme d’art oratoire par sa structure, et d’hymne à la liberté et à la tolérance par son contenu.