L’aporie | Définition et exemples

L’aporie est « un problème ou une contradiction insoluble au sein d’un raisonnement ».

Le terme fait référence à une situation ou une question que l’on ne peut résoudre, car elle présente une impasse logique.

Exemple de phrase avec une aporie
De l’œuf et de la poule : lequel est arrivé en premier ?

Le paradoxe de l’œuf ou de la poule est typiquement une aporie, dans le sens où l’œuf a besoin d’être pondu par une poule, mais que ladite poule doit naître de l’éclosion d’un œuf…

Si l’on se risque à affirmer que c’est l’œuf qui est venu en premier, on a toutes les chances de se voir répondre, selon toute vraisemblance, qu’aucune poule n’était là pour produire cet œuf.

A contrario, si l’on affirme que c’est la poule qui est venue en premier, on se verra opposer l’argument selon lequel c’était impossible sans œuf pour la faire se développer et éclore.

Le dilemme est donc, sur le papier, inextricable, et l’aporie qui en découle met en lumière la difficulté à déterminer les origines des espèces qui nous entourent de façon certaine tout en remettant en question le caractère unilatéral de la dynamique de cause à effet.

L’aporie : définition

Une aporie est « une contradiction insoluble dans un raisonnement, un dilemme logique qui semble ne pouvoir déboucher sur aucune solution satisfaisante ».

En présence d’une aporie, différentes affirmations ou arguments sont présentés. Pris individuellement, ils semblent tous valables, mais une fois qu’on les confronte les uns aux autres, ils aboutissent à une impasse logique et donnent lieu à une conclusion paradoxale.

Comment faire une aporie : exemple avec le paradoxe du menteur
Imaginons la situation suivante : un banquier affirme que tous les banquiers sont des menteurs.

Si nous prenons cette affirmation comme une vérité, alors le banquier qui l’a émise, en sa qualité de banquier, doit être un menteur. Or, l’affirmation s’effondre à partir du moment où ce banquier-ci dirait la vérité en s’autoproclamant menteur, car cela invaliderait, de fait, le fait qu’il soit un menteur. Et si lui ne l’est pas, alors on ne peut pas dire que tous les banquiers le sont…

À l’inverse, si l’on part du postulat que l’affirmation selon laquelle tous les banquiers sont des menteurs est fausse, cela signifie qu’au moins un banquier dit la vérité… ce qui contredit l’affirmation initiale selon laquelle tous les banquiers sont des menteurs.

Cette contradiction parfaitement insoluble fait de cette affirmation une aporie.

Quand l’aporie s’invite en politique
Parce qu’elle est un procédé rhétorique qui joue sur et avec les mots, il n’est pas étonnant que l’aporie trouve toute sa place en politique, et en particulier lorsqu’il s’agit de désarçonner un adversaire lors d’une joute verbale ou de commenter (sous un prisme négatif) le choix à faire entre deux candidats.

Fin avril 2022, dans le cadre d’une tribune pour le journal Le Monde, l’ancienne garde des Sceaux Christiane Taubira qualifiait d’« aporie » le fait que les électeurs aient de nouveau à trancher entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle.

Pour prévenir les fautes de ponctuation ou d’orthographe, vous pouvez utiliser notre correcteur d’orthographe pour vérifier vos textes contenant des apories ou notre reformulateur de texte pour essayer différentes formulations.

L’aporie : étymologie d’un concept

L’étymologie du mot aporie nous vient du latin aporia, mot composé du préfixe privatif « a- » et du grec poros (« passage »), qui signifie « passage bloqué », « difficulté » ou « embarras ».

Le mot, dans sa forme contemporaine, évoque l’idée d’une voie sans issue ou d’un manque de solution à un problème.

Un exemple d’aporie célèbre : l’aporie de la tortue

L’aporie la plus célèbre est peut-être celle de la tortue, qu’on attribue au philosophe présocratique Zénon d’Élée, connu pour ses prouesses dialectiques et ses raisonnements paradoxaux.

L’aporie de la tortue, ou de son nom complet L’aporie d’Achille et la tortue, pose une question similaire à celle de l’aporie de l’œuf ou de la poule, mais sous un angle légèrement différent.

L’histoire raconte qu’Achille, héros légendaire de la guerre de Troie dans la Grèce antique, a un jour disputé une course à pied avec une tortue. Par souci d’équité, Achille, bon prince, lui avait accordé d’emblée une avance de cent mètres.

Le problème avancé par Zénon étant que, désormais, Achille doit d’abord atteindre l’endroit où la tortue se trouvait au départ. Or, pendant ce temps, celle-ci continue à avancer. Ainsi, chaque fois qu’il se lance pour rattraper l’endroit où se trouve la tortue, la tortue a encore parcouru un peu plus de distance le temps qu’il arrive, donc il ne peut, en théorie, jamais vraiment la rattraper.

Il s’agit là d’un raisonnement particulièrement tortueux, car si on appliquait la situation au monde réel, la tortue serait vite rattrapée par Achille et nous le savons très bien.

Néanmoins, l’aporie de la tortue a le mérite de nous faire réfléchir sur la façon dont nous percevons et comprenons le mouvement, et ce alors même que la logique nous suggère une vision contraire.

C’est, entre autres, la raison pour laquelle l’aporie est avant tout un concept philosophique.

L’aporie en philosophie

L’aporie doit son émergence aux philosophes antiques, mais le sens qu’on lui a attribué varie selon les époques.

Aristote utilisait ce mot pour désigner toute question qui générait un doute chez le lecteur ou l’interlocuteur alors que celui-ci devait trancher entre deux affirmations. L’aporie prend alors un sens négatif, car elle désigne un « embarras » de la pensée.

Quant à Socrate, il utilisait l’aporie comme une méthode d’enseignement philosophique. En effet, l’aporie de Socrate reposait davantage en une série de questions destinées à amener une personne à reconnaître les limites de sa propre connaissance ou à réaliser le caractère possiblement contradictoire de ses croyances ou de ses convictions. Habile, il plongeait alors son interlocuteur dans un état d’incertitude afin de stimuler sa pensée critique.

De cette façon, l’aporie était un outil utile à la découverte d’une vérité plus clairvoyante.

Les préceptes de Socrate ont été appliqués au sein de dialogues rapportés par son disciple Platon, qui cultivait cette même vision de l’aporie en tant que vecteur d’émergence de la vérité grâce à la confrontation de contradictions manifestes : on parle de pensée aporétique.

Dans la philosophie contemporaine, l’aporie est davantage utilisée par les sceptiques pour étayer l’argument selon lequel toute démonstration est faillible.

Les apories ont été et sont toujours très utilisées en philosophie, car elles permettent aux penseurs qui les utilisent de remettre en question les convictions établies, mais aussi de mettre en évidence les limites de la pensée humaine.

Questions fréquentes sur l'aporie

Quels sont les synonymes de l’aporie ?

L’aporie a pour synonymes :

  • le paradoxe ;
  • le dilemme ;
  • la contradiction ;
  • l’impasse logique.
Qu’est-ce que l’aporie selon Socrate ?

L’aporie selon Socrate (ou l’aporie selon Platon, qui fut son disciple) vise à considérer les énoncés contradictoires et les problèmes insolubles comme des moteurs de la pensée critique, car ils permettent de remettre en question nos préjugés et notre vision du monde en les envisageant sous un tout autre prisme.

Il s’agit d’un élément clé de la méthode dialectique selon laquelle la découverte de la vérité dépend de la confrontation et de la résolution de contradictions apparentes.

Vous avez aimé cet article ?
Laurine Tihay, BA

Laurine est titulaire d’une licence de lettres et sciences du langage. Formée à l’enseignement des langues et dotée d’une solide expérience en matière de correction éditoriale, elle est experte en grammaire et syntaxe.