Anacoluthe : définition et exemples de la figure de style
Une anacoluthe est une figure de style consistant à créer une rupture ou une discontinuité dans la syntaxe de la phrase.
Cette incohérence peut perturber la lecture ou la compréhension du texte par le lecteur.
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
(Charles Baudelaire, L’Albatros)
Dans cet exemple, la synecdoque ses ailes de géant, utilisée pour désigner l’albatros, entre en contradiction avec le participe passé au singulier exilé.
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Définition de l’anacoluthe
L’anacoluthe est une figure de rhétorique consistant à bouleverser la suite logique d’une phrase et à rompre sa structure syntaxique normale.
Le changement abrupt dans la construction attendue de la phrase peut être volontaire ou non.
Dans le cas contraire, elle est plutôt interprétée comme une faute grammaticale (ou un solécisme).
L’anacoluthe doit, en outre, être maniée avec précaution lorsqu’elle est employée à des fins stylistiques, car elle peut rendre l’énoncé confus et difficilement compréhensible.
Elle consiste à omettre l’un des éléments logiques de la phrase dans une construction binaire (par exemple : tantôt… tantôt, d’une part… d’autre part, les uns… les autres, ou bien… ou bien).
Exemple :
Les uns, dirait-on, ne songent jamais à la réponse silencieuse de leur lecteur. Ils écrivent pour des êtres béants.
(Paul Valéry)
Dans cet exemple, le deuxième élément les autres, propre à la construction binaire les uns… les autres est omis.
Dans le cas d’un anapodoton, autre variante de l’anacoluthe, une phrase non alternative est laissée en suspens.
Anacoluthe : liste d’exemples
L’anacoluthe est très fréquente à l’oral, mais aussi à l’écrit où elle est volontiers employée dans de nombreux genres littéraires.
Dans la littérature classique
La littérature classique est certainement le domaine où l’anacoluthe est la plus employée à des fins stylistiques.
Les plus grands auteurs, tels que Blaise Pascal, Victor Hugo, Arthur Rimbaud, Blaise Cendrars ou encore Louis-Ferdinand Céline, l’ont employée avec audace pour mettre en relief leurs récits.
(Blaise Pascal, Pensées)
= dans cet exemple, le sujet de la phrase est le nez de Cléopâtre. L’ajout du groupe nominal la face du monde vient contrarier la syntaxe et bouleverser le bon équilibre de cette phrase.
Et ne l’aimer jamais ?
(Racine, Une autre voix)
= ici, l’auteur utilise l’indicatif dans la première partie de la phrase avant de créer une fracture syntaxique dans la deuxième partie avec un infinitif.
Dans la littérature contemporaine
Les auteurs contemporains peuvent avoir recours à ce procédé rhétorique pour exploiter toute l’expressivité de la langue en faisant fi des codes grammaticaux, comme dans cet exemple où plusieurs anacoluthes se côtoient.
(Raphaël Meltz, Mallarmé et moi)
Dans les communications formelles
L’anacoluthe se rencontre également dans des textes plus formels, notamment les formules de politesse.
- Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.
- En vous remerciant par avance, je vous prie d’agréer à mes salutations distinguées.
Comment identifier une anacoluthe dans un texte
Tantôt erreur grammaticale, tantôt figure de style, l’anacoluthe est un procédé de rhétorique ambigu et parfois subtil à repérer.
Pour bien la distinguer, il convient de repérer les discontinuités et les inversions présentes dans le texte : elles vont venir traduire une déviation de la pensée.
(Paul Claudel, Le soulier de satin)
Dans cet exemple, le sujet les autres laisse présupposer un pluriel dans la suite de la phrase, mais la présence de l’anacoluthe avec le groupe verbal j’étouffe vient contrebalancer tout l’équilibre syntaxique.
Des participes passés à valeur adjectivale dont l’accord en genre et en nombre avec le sujet n’est pas respecté peuvent également indiquer la présence d’une anacoluthe.
Ils m’ont, au murmure des neumes,
Rendu des honneurs souterrains.
(Paul Valéry, La Pythie)
Certains éléments indispensables à la compréhension de la phrase peuvent être omis. Dans l’exemple ci-dessous, la syntaxe grammaticale normale aurait, par exemple, nécessité d’écrire et alors que moi je l’étais d’un faux nom espagnol.
(Victor Hugo, Lucrèce Borgia)
Pourquoi utiliser l’anacoluthe comme figure de style
Lorsqu’elle est utilisée en tant que figure de style, cette erreur de construction grammaticale peut traduire diverses intentions.
Retranscrire des émotions
Les propos bouleversés dans la syntaxe de la phrase viennent mettre en lumière l’expressivité de l’auteur, ses émotions et le bouillonnement de ses idées qui jaillissent à foison dans son esprit.
L’anacoluthe peut retranscrire à merveille son impatience, le fil de sa pensée et l’immédiateté des idées jetées sur le papier.
(Jean Echenoz, L’Occupation des sols)
Surprendre
L’emploi inattendu de l’anacoluthe provoque un effet de surprise chez le lecteur. L’équilibre de la phrase est affecté, mis en balance, nécessitant de réinterpréter la phrase et de rétablir l’ordre logique de sa structure syntaxique.
- Personne ne faisait attention à lui, Jules.
- Moi, mes souliers ont beaucoup voyagé.
(Félix Leclerc, paroles de la chanson Moi, mes souliers)
Mettre en valeur
Le bouleversement du rythme de la phrase est également idéal pour mettre en lumière certains termes et attirer l’attention du lecteur sur ces derniers.
C’est un procédé particulièrement utilisé en poésie où l’anacoluthe permet de jouer sur la versification et de donner de la force aux propos.
(Jacques Prévert, Fatras)
Apporter du rythme
L’anacoluthe apporte une nouvelle rythmique au texte en bouleversant la musicalité ordinaire de la phrase. Il en découle une impression de dynamisme à la lecture.
Se noya dès le port, allant à l’Amérique L’autre (…)
Par un coup imprévu vit ses jours emportés
Le troisième tomba d’un arbre
Que lui-même, il voulut enter.
Et pleurés du vieillard, il grava sur leur marbre
Ce que je viens de raconter.
(Jean de La Fontaine, Le vieillard et les trois jeunes hommes)
Questions fréquentes sur l’anacoluthe
- Quel exemple d’anacoluthe célèbre existe-t-il dans la littérature classique ?
-
L’une des anacoluthes les plus célèbres de la littérature française a été écrite par Charles Baudelaire dans le poème L’Albatros.
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.(Charles Baudelaire, L’Albatros)
La figure de style est associée à une synecdoque, les ailes de géant étant utilisé pour désigner le goéland lui-même.