L’hypotypose (figure de style) | Définition et exemples

L’hypotypose est une figure de style qui consiste en une description intense et détaillée d’une scène, à tel point qu’on a réellement l’impression de la vivre.

L’exposé qui en résulte est si dynamique et incarné que le lecteur (ou l’auditeur) a l’impression de voir se dérouler la scène sous ses yeux, et ce uniquement grâce à la puissance des mots employés.

Hypotypose : exemple simple
Imaginons que l’on doive décrire l’effondrement d’un immeuble après le passage d’une tornade.

  • Sans hypotypose, cela pourrait donner :

Pris dans une tornade destructrice, l’édifice n’avait aucune chance. Quelques instants plus tard, il s’effondra tel un château de cartes.

  • Mais avec une hypotypose, la scène prend une tout autre tournure :

Le grondement assourdissant de la tornade déchirait l’air. Bientôt, on n’entendit plus rien d’autre que la fureur du vent. L’immeuble tremblait, ses fondations pliant sous la pression colossale et les projections enragées des débris qui dansaient dans l’air. Puis, soudain, les fenêtres éclatèrent en une pluie d’éclats de verre. Le vent hurlait à travers les couloirs déserts, emportant tout sur son passage. Ce qu’il restait des câbles électriques arrachés se consuma en de bruyantes étincelles ; ce furent les uniques et dernières lumières perceptibles dans la nuit du vortex pour tous ceux qui se savaient sur le point de mourir.

Puis les murs se fissurèrent, d’abord en de fines craquelures, puis des crevasses apparurent. Seule leur rupture, inévitable, salvatrice, mettrait fin au chaos.

À bout de résistance, la structure céda. Les étages supérieurs s’effondrèrent l’un après l’autre, engloutissant jusqu’aux derniers niveaux dans un gouffre aveugle de béton écrasé, d’acier tordu, de chairs disloquées et de vies pulvérisées en un nuage de poussière opaque.
Quand plus rien ne bougea, Dame Nature, qui avait pris tout ce qu’il y avait à prendre ici, s’en alla punir d’autres pécheurs d’autres pays.

La version avec hypotypose est autrement plus évocatrice et vivante que la version sans hypotypose, qui fait usage d’une ellipse pour éviter de s’appesantir sur ce moment.

Qu’est-ce qu’une hypotypose ?

Rien ne vaut les exemples pour aborder une figure de style de la façon la plus parlante qui soit. Mais tâchons d’abord de répondre à une question essentielle : c’est quoi, une hypotypose ?

Définition de l’hypotypose

L’hypotypose est une figure de style, ou un procédé littéraire de rhétorique, dont la mécanique consiste à rendre une description si vivante que l’objet ou la scène décrite se dessine avec force et émotion dans l’esprit de celui qui la reçoit.

Par conséquent, il s’agit d’une figure dont l’effet repose sur le sentiment d’immersion du lecteur ou de l’auditeur.

Hypotypose def : exemple avec la description des Halles, par Zola
Sur le carreau, les tas déchargés s’étendaient maintenant jusqu’à la chaussée. Entre chaque tas, les maraîchers ménageaient un étroit sentier pour que le monde pût circuler. Tout le large trottoir, couvert d’un bout à l’autre, s’allongeait, avec les bosses sombres des légumes. On ne voyait encore, dans la clarté brusque et tournante des lanternes, que l’épanouissement charnu d’un paquet d’artichauts, les verts délicats des salades, le corail rose des carottes, l’ivoire mat des navets ; et ces éclairs de couleurs intenses filaient le long des tas, avec les lanternes. Le trottoir s’était peuplé ; une foule s’éveillait, allait entre les marchandises, s’arrêtant, causant, appelant.

(Émile Zola, Le Ventre de Paris)

Pour parvenir à nous immerger dans une scène via la description qui en est faite, l’auteur d’une hypotypose s’appuie volontiers sur les cinq sens, à savoir la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher et le goût.

L’hypotypose a également recours aux énumérations de détails visuels, et ce afin de permettre au tableau décrit de s’incarner telle une scène de film dans les yeux du lecteur.

Hypotypose : étymologie
Le mot hypotypose tire son étymologie du grec ancien hupotúpôsis, qui signifie « ébauche » ou « modèle ».

Hypotypose : exemples

L’hypotypose peut être employée à l’oral comme à l’écrit, même si les exemples d’hypotypose sont souvent plus fréquents à l’écrit en raison de l’effet poétique recherché.

Hypotypose : exemple de phrase
Le crépuscule voilait le ciel de teintes pourpres et orangées, tandis que la mer scintillante se brisait doucement contre les rochers noirs, animée par le murmure assourdissant des vagues.

Nous noterons ici qu’une figure de style peut en cacher une autre… En effet, au sein même de cette hypotypose dépeignant un coucher de soleil sur une plage se trouve un oxymore (« murmure assourdissant »).

Aussi, elle ne concerne pas nécessairement une situation exceptionnelle : on peut faire une hypotypose à partir de toute chose banale de la vie, pourvu qu’elle soit digne d’être détaillée sous toutes les coutures selon nous.

Hypotypose figure de style : exemple avec l’automne
Les feuilles dorées tourbillonnaient dans l’air, traversées par les rayons du soleil couchant. Le vent frais répandait l’odeur de la terre humide tout autour de nous. À l’horizon, un lac miroitait sous la lumière douce, tandis que des oiseaux nous offraient un dernier chant avant la tombée de la nuit.

Hypotypose : exemples littéraires

La littérature française n’est pas en reste d’hypotyposes…

Nombreux sont les auteurs, y compris parmi les plus illustres, à s’être prêtés à l’exercice.

Figure de style hypotypose : exemple littéraire
Je viens de rentrer de ma promenade dans les prairies vides, au bord des fossés froids où les saules se mirent ; le vent faisait siffler leurs branches dépouillées, quelquefois il se taisait, et puis recommençait tout à coup ; alors les petites feuilles qui restent attachées aux broussailles tremblaient de nouveau, l’herbe frissonnait en se penchant sur terre, tout semblait devenir plus pâle et plus glacé ; à l’horizon le disque du soleil se perdait dans la couleur blanche du ciel, et le pénétrait alentour d’un peu de vie expirante. J’avais froid et presque peur.

(Gustave Flaubert, Automne)

Hypotypose : exemple chez Zola
C’était une masse lourde, un tas écrasé de constructions, d’où se dressait la silhouette d’une cheminée d’usine ; de rares lueurs sortaient des fenêtres encrassées, cinq ou six lanternes tristes étaient pendues dehors, à des charpentes dont les bois noircis alignaient vaguement des profils de tréteaux gigantesques ; et, de cette apparition fantastique, noyée de nuit et de fumée, une seule voix montait, la respiration grosse et longue d’un échappement de vapeur, qu’on ne voyait point.

(Émile Zola, Germinal)

Hypotypose : exemple chez Camus
Peut-être à cause des ombres sur son visage, il avait l’air de rire. J’ai attendu. La brûlure du soleil gagnait mes joues et j’ai senti des gouttes de sueur s’amasser dans mes sourcils. C’était le même soleil que le jour où j’avais enterré maman et, comme alors, le front surtout me faisait mal et toutes ses veines battaient ensemble sous la peau. À cause de cette brûlure que je ne pouvais plus supporter, j’ai fait un mouvement en avant.

(Albert Camus, L’étranger)

Hypotypose : exemple chez Gary
C’est fini. La plage de Big Sur est vide, et je demeure couché sur le sable, à l’endroit même où je suis tombé. La brume marine adoucit les choses ; à l’horizon, pas un mât ; sur un rocher, devant moi, des milliers d’oiseaux ; sur un autre, une famille de phoques : le père émerge inlassablement des flots, un poisson dans la gueule, luisant et dévoué. Les hirondelles de mer atterrissent parfois si près, que je retiens mon souffle et que mon vieux besoin s’éveille et remue en moi : encore un peu, et elles vont se poser sur mon visage, se blottir dans mon cou et dans mes bras, me recouvrir tout entier… À quarante-quatre ans, j’en suis encore à rêver de quelque tendresse essentielle. Il y a si longtemps que je suis étendu sans bouger sur la plage que les pélicans et les cormorans ont fini par former un cercle autour de moi et, tout à l’heure, un phoque s’est laissé porter par les vagues jusqu’à mes pieds.

(Romain Gary, La Promesse de l’aube)

Trouver l’inspiration pour écrire une hypotypose

Vous souhaitez écrire une hypotypose, mais ne savez pas très bien par quel bout commencer… Et surtout, vous avez peur de tomber dans la surenchère de détails descriptifs et de formules alambiquées, au risque de faire décrocher votre lecteur (ou votre auditeur si vous racontez votre histoire à l’oral).

Voyons ensemble quelques conseils pour écrire une hypotypose qui tienne la route et happe immédiatement votre audience :

  • choisissez bien la scène que vous souhaitez mettre en avant : elle doit se prêter à une description visuelle et sensorielle ;
  • faites appel à vos cinq sens et tentez d’imaginer ce que la scène à décrire provoquerait comme sensations physiques chez vous ou vos personnages ;
  • usez de métaphores (simples ou filées) et de comparaisons ;
  • alternez les phrases courtes, tranchantes, et les phrases plus longues : cela permet d’éviter de tomber dans le piège des descriptions interminables et monotones ;
  • employez des adjectifs précis plutôt que des périphrases ;
  • envisagez votre hypotypose non comme une ligne régulière, mais davantage comme une progression au fur et à mesure qu’elle se déroule : l’intensité de la description doit être ascendante.
Que faire en cas de blocage ?
Parfois, la peur de mal faire peut entraîner un blocage qui draine toute votre inspiration…
Pas de panique si cela arrive, il suffit parfois d’un rien pour débloquer la machine !

Si une tournure de phrase ne vous satisfait pas, mais que vous ne savez pas comment la modeler autrement, vous pouvez faire appel à des outils pour reformuler un texte comme celui de Quillbot. Entièrement gratuit, il tiendra compte de votre phrase initiale pour vous en proposer une autre version, soit plus riche (ce qui convient parfaitement à l’écriture d’une hypotypose) soit plus sobre.

Plus qu’une façon de contourner le problème (ce n’est pas l’ordinateur qui va écrire votre texte et vous fournir votre idée de départ, il ne fait que travailler avec du contenu existant), cette méthode a l’avantage de vous fournir de nouvelles idées potentielles pour avancer, d’enrichir votre vocabulaire et de vous permettre de travailler la précision de votre plume.

Questions fréquentes sur l’hypotypose

Comment reconnaître une hypotypose ?

On peut reconnaître une hypotypose à plusieurs choses :

  • l’hypotypose prend souvent la forme d’une énumération ;
  • l’hypotypose n’est pas seulement riche en détail, elle l’est en descriptions visuelles et sensorielles (c’est-à-dire qui mobilisent les cinq sens) ;
  • l’hypotypose peut faire usage de beaucoup de verbes de mouvement ;
  • l’hypotypose prend parfois une dimension poétique.
Quelle est la différence entre l’ekphrasis et l’hypotypose ?

De prime abord, l’hypotypose et l’ekphrasis sont deux figures de style qui poursuivent le même but : produire une description vivante et détaillée d’une chose ou d’une scène.

Néanmoins, elles diffèrent l’une de l’autre en ce sens qu’elles ont des fonctions distinctes :

  • L’hypotypose consiste en une description si détaillée et vivante d’une scène que celle-ci se dessine devant nos yeux et que nous avons l’impression de la vivre.

Elle peut décrire tout type de sujet.

  • L’ekphrasis est une description fouillée et incarnée d’une œuvre d’art visuelle au sein d’un texte littéraire, de telle sorte que le niveau de détail du texte, mais aussi sa puissance évocatrice, est à la hauteur de l’image.

Elle concerne uniquement les œuvres d’art visuelles, à l’instar des tableaux, des images filmées, des sculptures, des photographies, des dessins, des gravures, etc.

En résumé, l’hypotypose peut décrire tout type de sujet ou d’objet, tandis que l’ekphrasis se limite à dépeindre des œuvres d’art visuelles.

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Laurine Tihay, BA

Laurine est titulaire d’une licence de lettres et sciences du langage. Formée à l’enseignement des langues et dotée d’une solide expérience en matière de correction éditoriale, elle est experte en grammaire et syntaxe.