Tirade | Définition & exemples

Au théâtre, une tirade est un long discours que prononce d’un trait un personnage.

À l’inverse du monologue, elle est toujours adressée à quelqu’un au moyen de marques énonciatives (pronoms personnels, apostrophe, etc.)

Tirade def
Longue réplique ininterrompue prononcée par le personnage d’une pièce de théâtre.

Invitation au dialogue, la tirade est avant tout une réplique livrée avec emphase et expressivité. Elle impose également un rythme spécifique à la scène, dans laquelle l’interruption de l’action s’oppose à un flot continu de paroles.

Arme dramatique et rhétorique, la tirade a surtout du nez lorsqu’il s’agit de moucher un rival pour défendre un appendice nasal…

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Et si vous n’avez pas la verve de Cyrano, estimez-vous surtout heureux de ne pas en avoir le nez !

Définition tirade

La tirade théâtrale est une longue réplique énoncée par un personnage à l’intention d’un autre. À l’inverse du monologue, la tirade s’inscrit dans un dialogue, un échange entre plusieurs personnages.

Aussi longue et emphatique que le monologue, la tirade s’en distingue nettement par son caractère public. Elle est déclamée pour être entendue à la fois des personnages présents sur scène et des spectateurs dans la salle.

Autre différence majeure, la tirade fait intégralement partie de la scène. Malgré sa longueur, elle ne joue aucun rôle dans le séquençage ou la division de la pièce.
De fait, elle s’oppose au monologue qui, en réduisant les entrées et sorties des personnages à l’unique présence du protagoniste, constitue une scène à part entière.

De plus, la tirade interrompt l’action sur un temps limité. Elle permet ainsi la reprise et la poursuite de l’action en cours par l’invitation au dialogue et l’enchaînement subséquent des répliques. En ce sens, le rythme de la tirade se situe à mi-chemin entre la stichomythie et le monologue.

Elle marque en effet clairement un temps dans la scène, une pause assez longue qui permet de faire reposer toute la tension dramatique sur un seul personnage. Le temps est suspendu aux lèvres du protagoniste et à ses paroles incessantes.

La tirade théâtrale est véritablement un artifice à deux vitesses, un procédé aux caractéristiques aussi contraires que complémentaires. La mise en pause de l’action crée un intervalle de latence au cours duquel un déluge de paroles ne cesse de déferler. L’inertie de l’intrigue est compensée par le flot narratif du personnage.

Exemple tirade

Qu’elle soit déclaration ou déclamation, la tirade théâtrale sublime les personnages qui les prononcent, et humilient ceux à qui sont destinées les plus cinglantes d’entre elles.

Toujours adressée à un ou plusieurs personnages, la tirade ne laisse personne indifférent. Et quand il y est question de nez, impossible d’y faire la sourde oreille !

Cyrano de Bergerac : tirade du nez

La tirade du nez (ou tirade des nez) fait partie de la scène 4 du premier acte de la pièce Cyrano de Bergerac, écrite par Edmond Rostand et présentée pour la première fois en 1897.

Dans cette tirade, Cyrano humilie le Vicomte de Valvert, dont le manque de verve et d’esprit fait chou blanc face à l’éloquence de Cyrano.

Def tirade : la tirade du nez
[…]

LE VICOMTE. — Personne ? Attendez ! Je vais lui lancer un de ces traits !…

(Il s’avance vers Cyrano qui l’observe, et se campant devant lui d’un air fat.)

Vous… vous avez un nez… heu… un nez… très grand.

CYRANO, gravement. — Très.

LE VICOMTE, riant. — Ha !

CYRANO, imperturbable. — C’est tout ?…

LE VICOMTE. — Mais…

CYRANO. — Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire… Oh ! Dieu !… bien des choses en somme…
En variant le ton, — par exemple, tenez :
Agressif : « Moi, monsieur, si j’avais un tel nez,
Il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse ! »
Amical : « Mais il doit tremper dans votre tasse
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap ! »
Descriptif : « C’est un roc !… c’est un pic !… c’est un cap !
Que dis-je, c’est un cap ?… C’est une péninsule ! »
Curieux : « De quoi sert cette oblongue capsule ?
D’écritoire, monsieur, ou de boîte à ciseaux ? »
Gracieux : « Aimez-vous à ce point les oiseaux
Que paternellement vous vous préoccupâtes
De tendre ce perchoir à leurs petites pattes ? »
Truculent : « Ça, monsieur, lorsque vous pétunez,
La vapeur du tabac vous sort-elle du nez
Sans qu’un voisin ne crie au feu de cheminée ? »
Prévenant : « Gardez-vous, votre tête entraînée
Par ce poids, de tomber en avant sur le sol ! »
Tendre : « Faites-lui faire un petit parasol
De peur que sa couleur au soleil ne se fane ! »
Pédant : « L’animal seul, monsieur, qu’Aristophane
Appelle Hippocampéléphantocamélo
Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d’os ! »
Cavalier : « Quoi, l’ami, ce croc est à la mode ?
Pour pendre son chapeau, c’est vraiment très commode ! »
Emphatique : « Aucun vent ne peut, nez magistral,
T’enrhumer tout entier, excepté le mistral ! »
Dramatique : « C’est la Mer Rouge quand il saigne ! »
Admiratif : « Pour un parfumeur, quelle enseigne ! »
Lyrique : « Est-ce une conque, êtes-vous un triton ? »
Naïf : « Ce monument, quand le visite-t-on ? »
Respectueux : « Souffrez, monsieur, qu’on vous salue,
C’est là ce qui s’appelle avoir pignon sur rue ! »
Campagnard : « Hé, ardé ! C’est-y un nez ?
Nanain ! C’est queuqu’navet géant ou ben queuqu’melon nain ! »
Militaire : « Pointez contre cavalerie ! »
Pratique : « Voulez-vous le mettre en loterie ?
Assurément, monsieur, ce sera le gros lot ! »
Enfin parodiant Pyrame en un sanglot :
« Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître
A détruit l’harmonie ! Il en rougit, le traître ! »
— Voilà ce qu’à peu près, mon cher, vous m’auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d’esprit
Mais d’esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n’en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n’avez que les trois qui forment le mot : sot !
Eussiez-vous eu, d’ailleurs, l’invention qu’il faut
Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries,
Me servir toutes ces folles plaisanteries,
Que vous n’en eussiez pas articulé le quart
De la moitié du commencement d’une, car
Je me les sers moi-même, avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu’un autre me les serve.

[…]

(Extrait de Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, Acte I, Scène 4, 1897)

La tirade du nez est souvent décrite par les spécialistes comme un « morceau de bravoure ». Elle impose effectivement un défi de mémorisation à l’acteur jouant Cyrano, lequel doit également varier le ton selon les différents qualificatifs et registres de langue.

Toutefois, la versification de la pièce permet des sonorités identiques et des associations phonétiques facilement mémorisables. Le véritable génie de cette tirade repose davantage sur la maîtrise poétique du dramaturge que sur la performance de l’acteur.

Les vers et les rimes suivies dictent un rythme particulier qui amplifie le comique de mots. Les variations de tons s’associent au contenu narratif dans un savant mélange d’humour et d’esprit qui relèvent, au-delà de la sémantique et de la phonétique, d’un esthétisme narratif rare.

Comparaisons, métaphores, hyperboles, tous les procédés stylistiques se conjuguent dans une diatribe aussi violente que plaisante à écouter, à la faveur de ses assonances et de ses allitérations.

Cette tirade est d’autant plus admirable qu’elle s’inscrit dans une triple mise en abyme qui dépasse largement le simple comique de situation. C’est en effet lors d’une représentation théâtrale que naît la joute oratoire à l’origine de la tirade du nez. Cyrano interrompt la pièce en cours pour dénoncer publiquement le manque de talent d’un des acteurs.

Puisque Cyrano fanfaronne, le Vicomte de Valvert veut lui clouer le bec en insultant son nez… une insulte si piteuse qu’elle le clouera, lui, au pilori. Lorsque Cyrano défend son appendice nasal en variant les tons, il joue à la manière d’un acteur, il est lui-même en représentation devant la foule rassemblée autour de lui.

Cette harangue éloquente interprétée par Cyrano au milieu d’une pièce interrompue au cours d’une véritable représentation théâtrale reste une prouesse stylistique, poétique et dramaturgique sans égale dans le théâtre français.

On ne badine pas avec l’amour : tirade de Perdican

Écrite en prose, la pièce d’Alfred de Musset met en scène une intrigue amoureuse légère et triviale qui se termine en une apothéose dramatique, fidèle au romantisme de l’époque.

S’émancipant des codes du théâtre, Musset mélange les genres dans un drame bourgeois sentimental et tragique, où amour et orgueil se prennent au piège de la passion.

Tirade définition
[…]

PERDICAN. — Adieu, Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu’on te fera de ces récits hideux qui t’ont empoisonnée, réponds ce que je vais te dire : tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux ou lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : j’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.

[…]

(Extrait de On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset, acte II, scène 5, 1834)

Dans cette célèbre tirade, Perdican s’adresse à Camille qui projette de prendre le voile plutôt que de l’épouser. Élevée par des religieuses, Camille n’est pas insensible au charme de Perdican, mais oppose l’inconstance de l’amour humain à la permanence de l’amour divin.

Dès les premiers mots, l’usage de l’interjection, de l’apostrophe, de l’impératif et de certains pronoms personnels fait état d’une dualité omniprésente dans la pièce. Ces artifices rhétoriques témoignent de la souffrance intime et individuelle de Perdican face au dévouement total et absolu de Camille.

Ce dualisme s’élargit pour devenir des entités opposées les unes aux autres : le séculier et le religieux, les hommes et les femmes, le sublime et la fange, l’amour et l’orgueil.
Les marques énonciatives séparent le noble de l’ignoble jusqu’à l’utilisation du je et du moi qui conjugue ces contraires en une seule chose et un seul être : l’amour de Perdican.

À l’image de son héros, Musset est un romantique torturé, rongé par le mal du siècle, celui qui entrave les révolutions et désenchante les jeunesses. Sans moral ni vertu, il critique toutes les normes de l’époque, qu’elles soient sociétales (religion) ou théâtrales (théâtre classique).

Plus qu’un badinage dramatique, la pièce de Musset trahit sa réputation d’amant fougueux, mais libertin et infidèle. Délaissé par George Sand, il confie à ses contemporains son propre dualisme, l’antagonisme émotionnel qui le ronge, dans un titre évocateur. Au-delà du proverbe, c’est une véritable prière que nous adresse l’auteur, une injonction à débarrasser l’amour de l’orgueil.

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Questions fréquentes sur la tirade

Qu’est-ce qu’une tirade ?

La tirade théâtrale est un long discours prononcé sans interruption par un des personnages d’une pièce de théâtre. En ce sens, une tirade est une réplique, car elle est toujours destinée à un autre personnage.

En rhétorique, une tirade est davantage synonyme de discours emphatique, un long énoncé volontairement dramatique prononcé avec ardeur et éloquence.

Enfin, dans le langage courant, la tirade fait plutôt référence à un énoncé ennuyeux et pédant, dans lequel le locuteur fait étalage de son savoir.

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Qu’est-ce que la tirade du Cid ?

Cette « tirade », qui fait référence à la scène 4 de l’acte I du Cid de Pierre Corneille, n’en est pas une.

C’est en fait un monologue, prononcé par le personnage de Don Diègue alors qu’il est seul sur scène.

Une tirade est toujours déclamée à l’adresse d’un personnage et en présence d’un public autre que celui formé par les spectateurs présents dans la salle.

De manière générale, un monologue constitue une scène à lui seul, tandis qu’une tirade n’est qu’une réplique parmi d’autres, à l’intérieur d’une scène.

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Qu’est-ce que la tirade du nez ?

La tirade du nez est le nom couramment donné à la tirade prononcée par le personnage de Cyrano de Bergerac — acte I, scène 4 — dans la pièce éponyme d’Edmond Rostand.

Dans une riposte cinglante et versifiée, Cyrano défend son honneur, et surtout l’intégrité de son nez, qui devient l’objet de réparties drôles et moqueuses.

Ce faisant, Cyrano fait état de sa verve et de son esprit et, par le fait même, ne manque pas de rappeler l’absence de ces qualités chez son interlocuteur.

Exemple du genre, la tirade du nez est un vibrant témoignage du génie poétique et théâtral de Rostand.

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Charrin, A. (28 octobre 2025). Tirade | Définition & exemples. Quillbot. Date : 20 novembre 2025, issu de l’article suivant : https://quillbot.com/fr/blog/theatre/tirade-definition-et-exemples/

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Aude Charrin, MA

Traductrice et linguiste de formation, Aude a également enseigné le français à des jeunes en difficulté scolaire. Sa nouvelle mission : démocratiser la langue française en vulgarisant ses concepts.

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